Homélie du 22ème dimanche du temps ordinaire

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Connaissez-vous la différence entre le « pharisianisme » et le « pharisaïsme » ?

– Le 1er désigne le mouvement religieux des Pharisiens, né en Palestine vers 135 aC d’un désir de renouvellement religieux profond.
– Le 2ème est une dérive religieuse, conduisant à une attitude excessive (= une rigueur d’observance, qui peut engendrer une trop bonne conscience et un mépris pour ceux qui n’en font pas autant).

Les Pharisiens
= les « séparés » (araméen)

Le terme apparaît vers 135 aC. C’est un temps de questionnement fort sur l’identité d’Israël au milieu du monde païen (les Grecs puis les Romains). Les Pharisiens sont une faction juive, un mouvement religieux fondé sur le refus de toute compromission politique et de tout laisser-aller dans la pratique religieuse.
Ainsi, le pharisianisme est en soi un mouvement tout à fait respectable. Les Pharisiens sont très proches du peuple et essaient de rendre la Loi de Moïse accessible dans la vie concrète. Nous voyons bien leur importance dans les Evangiles. Les Pharisiens sont organisés sous forme de confréries religieuses. Beaucoup de scribes et de docteurs de la Loi (= les interprètes et savants de l’Ecriture), ainsi que des prêtres de Jérusalem, en font partie.
Jésus entretient beaucoup de liens avec les Pharisiens, il n’attaque pas le mouvement directement :
– en Jn 3 : Jésus argumente avec Nicodème, un maître des Pharisiens, un notable ;
– en Lc 7 : Jésus mange à la table de Simon, un Pharisien ;
– en Mt 23 (« quel malheur pour vous, scribes et Pharisiens hypocrites… ») : cette critique de Jésus montre qu’il les connaît très bien et qu’il reconnaît aussi leur zèle et leur valeur ;
– dans Lc/Ac : des Pharisiens prennent le parti de Jésus, le défendent contre Hérode ; certains adoptent la foi chrétienne (Paul notamment !!)
Cependant, tout l’Evangile est parcouru par une tension vive entre Jésus et les Pharisiens. Cela illustre la nouvelle manière, radicalement autre, qu’a Jésus de concevoir le rapport à la Loi de Moïse.

Le pharisaïsme

Le plus bel idéal religieux peut avoir ses écueils :
La rigueur d’observance peut entraîner une trop bonne conscience : « Nous sommes des justes devant Dieu ; notre pratique religieuse exemplaire nous assure le salut ! » = ils ont des droits sur Dieu, en raison de leur pratique parfaite !
Et un mépris pour ceux qui n’en font pas autant : « Je ne suis pas comme ce pécheur qui… » = une manière de vivre qui exclue, qui divise l’humanité en catégories…
De plus, la confiance dans la science  peut rendre surplombant, hautain : « Nous au moins, nous savons bien que… »
cf. la dénonciation de Jésus dans l’Evangile de ce jour : il n’est pas bon de relier la quête de Dieu à la seule pratique de la Loi. Les Pharisiens scrutent les moindres faux-pas des Juifs vis-à-vis de la pureté rituelle. Ce sont des obsédés de l’observance, de purs légalistes. Ils oublient le cœur de la Loi, le commandement central : l’amour de Dieu et du prochain. Ils critiquent les disciples de Jésus qui ne se lavent pas les mains avant un repas ; mais ils ne voient pas que ces mêmes mains font tous les jours des miracles !
Ainsi, Jésus les appelle-t-il souvent des « hypocrites » (car ils sont incapables de se reconnaître pécheurs) et des « aveugles » (car ils ne voient pas l’œuvre de Dieu et ne s’ouvrent pas à la nouveauté apportée par Jésus).

Une interrogation sur notre manière de pratiquer la religion

Le terme même de « séparé » est plein d’ambiguïté : car Dieu ne cherche pas tant à séparer qu’à unir.

Est-ce que notre pratique religieuse nous « sépare » des autres ? En quel sens ?

Nous devons continuer à nous interroger… Le pharisaïsme n’est jamais très loin de nous quand :

– Nous nous considérons comme des « justes » et des « parfaits », devant Dieu et devant les autres, et nous avons du mal à nous reconnaître pécheurs….
– Nos connaissances religieuses nous élèvent à nos propres yeux et nous font mépriser les ignorants…
– Nous mettons plus d’importance dans le respect minutieux de la Loi que dans la conversion véritable du cœur…
– Nous sommes aveugles aux miracles et aux signes que Dieu donne chaque jour et qui nous montrent que le salut de Dieu est universel, ouvert à tous, même à ceux que l’on n’attendait pas…

P. Edouard George

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