Évangéliser, oui mais comment ? Une pastorale paulinienne (Jean-Michel Poffet).

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Aujourd’ hui le monde est en crise et la transmission de la foi est un énorme défi à relever.

Alors, en ce début d’année pastorale et après la consultation synodale,  nous sommes invité(e)s à nous poser ces deux questions :

« En qui faisons-nous confiance ? – « Comment transmettre le message évangélique » ?

Le dominicain Jean-Michel Poffet, nous donne quelques éléments de réponse dans son ouvrage « Évangéliser, oui mais comment ? ».

Cet essai dit-il  « est né de l’éblouissement de l’évangile, authentique et pur en sa discrète présence ».

Ainsi que d’ une question : « comment le faire redécouvrir ? ».

Jean-Michel Poffet, un éminent bibliste

Originaire de Fribourg (Suisse) il manifesta, après son entrée chez les Dominicains,  un grand intérêt pour l’interprétation et la science biblique.

Aussi se dirigea-t-il vers un cursus d’étude à l’Institut biblique de Rome.

Après son ordination sacerdotale et quelques années de ministère pastoral à Genève, il prépara une thèse en histoire de l’exégèse. Puis il devint  maître assistant à l’université de Fribourg.

Élu directeur de l’ École biblique et archéologique française de Jérusalem en 1999, il resta près de dix ans à ce poste.

Aujourd’ hui, il donne de nombreuses conférences. Il y recommande une érudition mise au service de la foi et de la spiritualité afin de mieux prier.

Il écrit également des livres qui sont le reflet de ses préoccupations : L’ autorité de l’ écriture – Les chrétiens et la Bible – La patience de Dieu – Paul de Tarse…

Un défi pour notre époque

Pour de multiples raisons, la foi aujourd’hui est difficile à transmettre.

Cependant, cette difficulté ne vient pas du contenu de l’ Évangile qui n’a pas perdu son éclat, mais de sa transmission.

Alors Jean-Michel Poffet pose cette question : comment faire face à un tel défi ?.

C’ est dans le premier document du christianisme qu’ il trouve quelques éléments de réponse.

En effet, la 1ere lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens est particulièrement intéressante car elle est le plus ancien écrit  du Nouveau Testament.

En conséquence elle donne de précieux renseignements sur la manière d’ évangéliser.

Paul poussé par l’ Esprit change son plan d’ évangélisation

Les Actes des Apôtres situent la fondation de l’église de Thessalonique lors du premier voyage missionnaire de Saint Paul en Europe.

Celui-ci, après avoir évangélisé les contrées de la Galatie du Nord (au nord de l’actuelle Turquie) se sent  « poussé par l’ Esprit ».

Afin d’étendre son travail missionnaire, il prêche d’abord l’ Évangile dans la ville de Philippes (aujourd’hui en Grèce). Mais de dures contradictions l’obligèrent à quitter cette ville.

Aussi, au printemps de l’année 50, gagna-t-il Thessalonique, accompagné de Silas et de Timothée.

Une ville contrastée

Thessalonique était une ville portuaire grecque. Cosmopolite et commerçante, elle attirait des gens provenant des quatre coins du monde.

Païens et différentes religions s’ y côtoyaient ainsi que différentes ethnies. En outre, les écarts sociaux y étaient importants.

De riches armateurs et commerçants représentaient la classe aisée.

Les travailleurs manuels, les esclaves, les déchargeurs du port et les petits artisans, quant à eux,  formaient la masse des gens de condition modeste.

Il travaillera comme l’un d’eux, exerçant le métier de fabriquant de tentes.

C’ est avec cette classe laborieuse que l’ apostolat de Paul portera le plus de fruits.

Un travail de formation fructueux 

Au milieu d’ eux, Paul réalisera un véritable travail pastoral de formation, d’instruction et de suivi spirituel.

Toutefois son succès suscitera la jalousie des Juifs. Aussi Paul devra-t-il  quitter précipitamment Thessalonique pour Bérée, puis pour Athènes et Corinthe.

C’ est là que Timothée le rejoindra en lui apportant des nouvelles rassurantes de la communauté.

Paul écrivit alors cette lettre, dans laquelle, aujourd’hui encore, on ressent son émotion et sa joie de renouer avec la communauté qu’ il avait dû abandonner en toute hâte.

Au début de sa lettre (1,4-2,14) Paul évoque les jours où il enseignait l’ Évangile :

  • « avec sincérité et honnêteté», au milieu de bien des tribulations
  • et « travaillant nuit et jour pour n’être à la charge de personne ».

Il était, dit-il, «comme une mère qui entoure de soin ses enfants et les nourrit ».

Cette lettre montre toute l’ humanité de Saint Paul.  Il y apparaît bien loin des images du prédicateur austère et isolé sous lequel il est souvent évoqué.

En effet, elle est entièrement écrite en « nous » et cela nous dit que Paul n’ évangélisa pas seul mais en communion avec d’autres.

Elle nous indique aussi son souci d’ unité dans les diverses communautés et celui de la place que doit y tenir chacun des ses membres.

N’ oublions pas que, dans son épître finale aux Romains, Paul transmet en les nommant par leur prénom toutes les personnes qui avec lui évangélisèrent.

Et nous pouvons remarquer que, parmi elles, figurent dix femmes.

Une fenêtre ouverte sur la catéchèse primitive

Premier écrit du Nouveau Testament, cette lettre n’ est, en aucun cas, un traité.

Toutefois, elle permet de recréer, de renouer des liens avec la communauté de Thessalonique.

Paul la rédige afin de rappeler aux fidèles les enseignements de la première catéchèse faite en parallèle avec les thèmes du sermon de la montagne (Mt 5,8).

Aussi y explicite-t-il :

  • l’ annonce du mystère trinitaire, celui de la proclamation de la mort et de la résurrection du Christ et les exigences de la vie chrétienne.

Pour cette transmission de la foi il emploie des mots efficaces qui cependant mettent à l’ honneur les destinataires.

Face aux difficultés, ces enseignements avaient pour but

  • de nourrir et d’ affermir la foi  de la communauté mais aussi de la réconforter.

Comment rendre notre foi actuelle et efficace ?

Dans un monde de plus en plus sécularisé et individualiste, nous sommes actuellement confrontés à la question de la transmission de la foi.

Certes, l’ Évangile n’a pas pris une ride,  mais aujourd’hui nous devons cependant nous poser cette question : comment la rendre actuelle et efficace ?

Alors, au  lieu de nous morfondre sur nos propres limites, sur nos assemblées dominicales parfois clairsemées, Jean-Michel Poffet nous invite à l’ espérance et à l’ action.

En effet, Saint Paul animé par la « flamme » de sa conversion, propose dans cette première lettre, un véritable programme spirituel.

A savoir  : affermir et consoler ceux auxquels on s’adresse et leur faire découvrir une Église plus humble et plus proche de ses origines.

Pour conclure

Comme le souligne la dominicaine Anne Lécu, toute célébration eucharistique, aussi humble et pauvre soit-elle peut transformer le monde.

En effet, peu importe le nombre de participants nous dit-elle puisque nous y sommes toujours configurés au Christ.

Alors, n’  oublions pas que toute participation à l’ eucharistie nous invite :

  • à vivre une vie qui dit merci et à répondre oui à Dieu qui mendie en nous une place.

mais elle nous convie aussi à redécouvrir le sens de notre verticalité humaine.

Aujourd’ hui,  qu’ils soient jeunes ou plus âgé(e)s, beaucoup sont blessé(e)s par les conséquences d’une liberté mal ajustée.

En conséquence, il convient de travailler à rendre l’ Église moins autoritaire, plus fraternelle et plus vivante.

Tous, nous sommes appelés à évangéliser

  • avec fierté mais aussi avec humilité afin d’ incarner l’ Évangile pour que d’autres puissent en vivre.

La semaine prochaine, la découverte de la couverture de ce livre, nous permettra de mieux comprendre toute la portée pastorale de cet ouvrage.

Georgette

Sources : Livre de Jean-Michel Poffet- Les éditions du Cerf – Dépôt légal mai 2022 – Prix 18 €.

Lettres de St Paul aux Thessaloniciens (Chrétiens aujourd’hui) et Anne Lécu (Ceci est mon corps).

Illustrations : Photos Basilique de Saint Paul Hors les Murs (Rome), Jean-Lucien G.

et Wikimédia Commons :  petit manuscrit grec du Nouveau Testament, sur parchemin – 1ere épître aux Thessaloniciens – 11eme siècle) .

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