Le sens de la loi du glanage dans la bible à travers les très riches heures du Duc de Berry

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La miniature du mois de Novembre représente une scène campagnarde appelée « la glandée » ou encore « paisson ».

Le tympan du livre : œuvre des frères de Limbourg

Le premier demi cercle représente un homme assis sur un char tiré par deux chevaux. Il tient à la main un soleil.

Le second, quant à lui, nous montre les deux signes du zodiaque du mois de novembre : le scorpion et le sagittaire.

La scène de la paisson : œuvre de Jean Colomb (15eme siècle) qui vécut à la cour de Savoie

Elle fut peinte entre 1485 et 1486.

Au premier plan, un porcher, accompagné d’un chien fait paître ses porcs dans un bois de chênes. Il lance un bâton contre les hêtres afin de faire tomber les glands. Cette pratique était autorisée par le Seigneur en octobre et en novembre. Elle permettait aux porcs de se nourrir des glands et des faines.

Ainsi engraissés, ils étaient tués puis salés afin de servir de nourriture toute l’année.

A l’ arrière plan, le château et la rivière qui serpente entre les montagnes évoquent la Savoie.

Les porcs au moyen âge

Au moyen âge, ils étaient considérés comme un attribut du diable. Lié à l’enfer, l’image du porc, apparaissait sur quelques chapiteaux romans mais surtout sur ceux de la période gothique. Plus tardivement, entre le XVe siècle et le XVIIe siècle, on l’ associa à l’impureté, à la luxure.

St Luc, dans sa parabole évoque ce fils que la débauche précipite dans la misère et qui, pour survivre, se trouve réduit à garder les porcs : « Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. (Lc 15, 14-16).

Malgré leur connotation négative, les porcs sont souvent présents dans les enluminures des très riches heures du Duc de Berry. En effet, probablement sous l’influence des Antonins (ordre hospitalier de St Antoine) le cochon apparaît, au XIIIe siècle, comme un compagnon de St Antoine. En effet, l’élevage porcin permettait aux Antonins de fournir de la viande aux indigents.

La loi du glanage dans la Bible

Cette représentation du mois de Novembre nous rappelle que, dans la Bible, la loi du glanage était un soutien envers les personnes pauvres et marginalisées : « Lorsque tu feras ta moisson, si tu oublies une gerbe dans ton champ, tu ne retourneras pas la chercher. Laisse-la pour l’immigré, l’orphelin et la veuve, afin que le Seigneur ton Dieu te bénisse dans tous tes travaux… Lorsque tu vendangeras ta vigne, tu ne retourneras pas grappiller ce qui reste… Souviens-toi que tu as été esclave au pays d’Égypte. Voilà pourquoi je te donne ce commandement (Dt 24, 19-22).

L’action du Livre de Ruth est, quant à elle, centrée sur le glanage puisque celui-ci est l’un des éléments importants de la Loi.

Les nouveaux glaneurs au secours des aliments gaspillés

La pratique du glanage est donc très ancienne. En France, il faudra cependant attendre la fin du Moyen-Âge pour que des règles écrites apparaissent sur cette coutume.

Aujourd’hui, cette coutume ne se cantonne plus seulement à ce domaine. Depuis quelques années, à la campagne mais aussi en ville, elle connaît un regain notable. Un essor qui semble s’inscrire dans la continuité de la mobilisation nationale contre le gaspillage alimentaire et de nos politiques de solidarité. Les motifs des nouveaux glaneurs sont multiples. Certains « glanent » à la fin des marchés pour répondre à des besoins alimentaires (les leurs ou ceux de bénéficiaires) tandis que pour d’autres, il s’agit de mener des actions sociales, pédagogiques et militantes contre le gaspillage.

Pour conclure

Cette scène nous appelle à méditer l’appel du Pape François qu’il lança le mercredi 11-12-2013  : « Le scandale des millions de personnes souffrant de la faim ne doit pas nous paralyser, mais nous pousser à agir tous, chacun d’entre nous, mais aussi les familles, les communautés, les institutions, les gouvernements, pour éliminer cette injustice » et il ajoutait : « L’évangile de Jésus nous montre le chemin : avoir confiance en la providence du Père et partager le pain quotidien en évitant le gaspillage ».

C’est aussi ce à quoi nous invite la belle initiative des Tentes des Glaneurs. Depuis 2010, des collectifs collectent les fruits et légumes invendus ou destinés au rebut auprès des commerçants présents sur les marchés. Les produits sont ensuite redistribués gratuitement à des particuliers en situation précaire ou difficile (familles monoparentales, personnes sans emploi, étudiants…) Dans des conditions dignes, la redistribution s’effectue en fin de marché afin de ne pas porter concurrence à l’activité des vendeurs professionnels. En outre, ces actions permettent d’établir des liens sociaux.

Georgette

Sources : Free.fr/cours/arts/conferences/Les frères de Limbourg – France Nature Environnement – Les nouveaux glaneurs au secours des aliments gaspillés.

Illustrations : Wikimédia Commons –  Musée Condé à Chantilly – Domaine public (œuvre identifiée comme libre de restrictions connues selon les lois du droit d’auteur). Celles des détails sont un recadrage de l’image initiale.

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