Méditation du 5 mai 2020 — Josué 24

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Écrire dans un cahier de bord notre histoire avec Dieu. Écrire notre engagement à suivre le Seigneur. Et le relire régulièrement, en faire mémoire.

 

 

Aujourd’hui, nous abordons le dernier chapitre du livre de Josué, le chapitre 24. Après avoir donné son testament, Josué convoque à Sichem les responsables du peuple de Dieu et toutes les tribus pour renouveler l’alliance avec Dieu.

 

Caspar David Friedrich, Riesengebirge (Blick von Warmbrunn auf die Kleine Sturmhaube), 1811, Musée des beaux-arts Pouchkine.

 

La première chose que Josué réalise, c’est de retracer l’histoire du peuple de Dieu, en partant d’Abraham et en finissant par la prise de Jéricho et la conquête de la terre. C’est comme si pour accepter que le Seigneur soit leur roi, Josué devait d’abord rappeler toutes les actions du Seigneur en faveur du peuple.

Josué commence donc par demander au peuple de ne pas oublier, mais de faire mémoire. La mémoire est constitutive de la foi d’Israël. Par exemple, quand le peuple professe sa foi, « Ecoute Israël », cette prière est un appel à la mémoire : « Ces paroles que je te dicte aujourd’hui seront dans ton cœur. Tu les répéteras à tes fils et tu leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout » (Dt 6, 6-7). Et dans tout l’Ancien Testament, chaque fois que le peuple s’éloigne de Dieu, un prophète se lève pour lui demander de se souvenir de son histoire. Le drame qui perturbe les relations entre Dieu et son peuple, c’est l’oubli. Contre l’oubli et la menace de l’habitude, la mémoire est une résistance à l‘usure du temps.

En d’autres termes, en répétant l’histoire des ancêtres, Josué déclare à tout son peuple : « Si tu oublies d’où tu viens, tu finiras par perdre ton identité et ta raison d’être ». Il est essentiel de savoir s’enraciner dans une histoire, cela nous guide dans le présent et dans l’avenir. Une personne, une Eglise, un groupe qui n’a pas de racines ni d’histoire est fragilisé. Il court le risque de se laisser emporter par la première mode venue. Il est menacé par le syndrome d’Alzheimer, cette maladie qui empêche progressivement le dialogue et détruit toute communication.

Je vous propose donc un geste à vivre ce soir ou dans les jours qui viennent : prendre un cahier, qui deviendra notre cahier de bord, notre livre d’alliance avec le Seigneur, et écrire notre histoire avec Dieu, écrire comment le Seigneur nous a accompagnés dans toutes les étapes de notre vie, ce que nous avons appris à travers toutes nos expériences, joyeuses, douloureuses, glorieuses ou lumineuses, écrire aussi ce qui a été marquant durant tout ce temps de confinement, ce qui nous a aidé à tenir, à avancer, ce qui a été un trésor reçu dans la prière, nos méditations, le partage avec les autres, ou dans nos lectures.

Après avoir enraciné le peuple dans son histoire, Josué renouvelle l’alliance dans une formule liturgique : « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : ou les dieux que vos pères servaient de l’autre côté du fleuve, ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays. Moi et ma famille, nous servirons le Seigneur ! » Le peuple répondit : « Jamais nous n’abandonnerons le Seigneur pour servir d’autres dieux ! C’est le Seigneur notre Dieu, c’est lui qui nous a fait monter de l’Egypte, de la maison des esclaves, nous et nos pères » (Jos 24, 15-17).

En d’autres termes, la fidélité de Dieu reconnue dans l’histoire est la base de l’engagement du peuple. Et le peuple, librement, prend l’engagement de suivre fidèlement le Seigneur. Et pour rendre visible cette alliance entre Dieu et son peuple, et entre le peuple et son Dieu, Josué érige une pierre à Sichem qui va servir de mémorial.
Nous pouvons donc poursuivre notre geste ce soir ou dans les jours qui viennent : dans notre cahier de bord, nous avons écrit l’histoire de Dieu dans notre vie, désormais nous pouvons écrire ce à quoi nous souhaitons nous engager, dans les jours qui viennent, dans le temps d’après le confinement, quelles sont les actes concrets qui nous semblent aujourd’hui et demain nécessaires pour construire cet autre monde, respectueux des autres et de toute notre maison commune, pour construire notre fraternité nouvelle.

Josué enfin interpelle enfin le peuple sur la portée de son engagement : « vous ne pouvez pas servir le Seigneur, car il est un Dieu saint, il est un Dieu jaloux, qui ne tolèrera pas vos transgressions » (Jos 24, 19). Un Dieu jaloux ? Surprenant, choquant même peut-être.

Le mot jalousie peut avoir un sens péjoratif, lié à la convoitise ou à la rivalité. Mais le même mot peut aussi avoir un sens positif, on le traduit alors par zèle. Paul déclare aux Corinthiens : « j’ai une passion jalouse pour vous, la passion jalouse de Dieu lui-même » (2 Co 11, 2).

Dire que Dieu est jaloux, c’est dire qu’il n’est ni impassible, ni indifférent. Il n’est pas un ordinateur qui ferait des alliances comme on rédigerait des contrats commerciaux stipulant les droits et les devoirs de chacun. Il n’est pas un Dieu froid qui s’amuse à regarder de loin le monde qui tourne. Il est jaloux, car il veut que son peuple vive dans la liberté, se détourne de tout ce qui l’asservit et fait de lui un esclave, mais grandisse sur les chemins de la Vie.

Prenons enfin le temps de relire ce cahier de bord, et de nous remettre devant l’amour immense de Dieu pour nous, au point d’être blessé en profondeur par nos infidélités. Et reprenons avec lui nos engagements.

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