Méditation du Lundi 20 avril — Mon carême, ma résurrection 2020

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Bonjour, je suis Bernardine. Je vais vous parler de mon carême, de ma résurrection 2020.

En retraite depuis peu, j’avais besoin de souffler et les propositions d’entrées en carême annoncées sur la paroisse ne me séduisaient pas, j’étais perplexe, je ne savais pas comment m’inscrire dans les démarches et inciter les chrétiens autour de moi à participer aux actions les obligeant à se déplacer sur une autre ville (jeûne, célébrations, etc.) j’imaginais mon carême proche de ceux qui sont à côté de moi et que je ne connais pas. Alors, j’ai décidé de porter ma croix de chrétien plutôt que mes bijoux pendant toute la durée du carême et de demander au Seigneur de m’éclairer, de m’aider à trouver mon chemin de Foi pour cette période.

Croyez-moi, Dieu ne s’est pas fait attendre !!!

Le dimanche suivant, à la fin de la messe S. est venu me trouver. Il m’explique qu’il est d’origine musulmane, en attente du statut de réfugié politique. Il dit que sa mère défunte était catholique et qu’il veut absolument découvrir la religion catholique. Je le mets donc en lien avec l’équipe de préparation au catéchuménat. Très vite, je suis recontacté car S. erre dans la région parisienne dort dans les trains, la nuit. Un hébergement devient indispensable. J’accueille S. chez moi afin qu’il puisse manger et dormir. Le lendemain de son arrivée, le confinement est annoncé, il était temps de trouver une solution…

Le confinement se précise, on a besoin des soignants pour gérer les entrées massives à l’hôpital et dans les EPHAD et assurer le remplacement du personnel atteint par le COVID 19. Ancienne infirmière n’ayant pas exercé depuis 1986 à l’hôpital, je m’inscris comme réserviste en expliquant ma situation aux lieux qui me sollicitent. On a besoin de moi, je tente l’aventure, on m’accueille à bras ouverts. Je constate que mon aide est plus que nécessaire. Des patients atteints du COVID 19 qui ont de 25 à 99 ans, qui souffrent physiquement et moralement avec des pathologies multiples, cancers, dialyse… En plus de l’isolement de ces patients, la récurrence des soins intrusifs nuit et jour qui empêche de dormir, l’absence de leurs proches, quel calvaire pour ces patients et ces personnes âgées ! Certains vont sortir guéris, d’autres resteront avec leur pathologie complexe ou mourrons… Tous sont dans l’attente.

Mais la plupart d’entre eux nous disent : » merci beaucoup madame, excusez-moi d’avoir crié, je n’ai pas pu me retenir, pardon, pardon, pardon…leur regard, le ton de leur voix, leur sourire malgré les conditions si difficiles en disent long sur leur reconnaissance.

Quand on entend les applaudissements aux fenêtres à 20h, ouah, ça fait du bien ! Mais ces applaudissements, c’est aux patients qu’il faut les transmettre, eux qui subissent, qui sont impuissants et qui nous rappellent la vraie vie de ceux qui souffrent loin du confort réclamé par ceux qui sont confinés… Dans l’EPHAD où je travaille, COVID 19 n’est pas présent. Cependant, les résidents et le personnel vont plus ou moins bien et la mort est aussi très présente. Je peux faire du lien avec mon engagement dans l’équipe des familles en deuil. La tristesse des familles, qui appellent leur proche et pleurent au bout du fil… les derniers moments des résidents vécus dans la solitude. Le personnel qui s’épuise par manque de relais…

Les cérémonies de deuil proposées par la paroisse se font dans une forme d’intimité contrainte. L’équipe des familles en deuil, complétée par un prêtre vit avec la famille un moment d’intense communion avec des gestes revisités où tous ensemble nous nous associons au pardon des défaillances du défunt et nous rendons grâce à Dieu pour l’œuvre qu’il a accompli pendant sa vie et pour ce que le défunt nous fait vivre de la Foi dans la simplicité de ce dernier adieu et du retour à Dieu. J’ai senti un réel réconfort des familles qui y participent, éprouvées par le contexte si difficile pour faire le deuil. Ce sont des moments forts, dans l’esprit de la passion et de la résurrection du Christ.

Cette croix que je porte sur mon cœur a un sens nouveau en cette période. Je souffre avec les gens, je vis un laps de temps avec eux, je souris avec eux, je vois leur regard de tendresse, de compassion alors que c’est nous qui devrions avoir de la compassion, j’ai honte de ne pas pouvoir faire plus pour eux. Jésus est on ne peut plus présent dans les petits moments passés avec les patients, les résidents et les collègues même s’ils ne le savent pas toujours.

Pendant mes jours de repos, j’ai pu être en communion avec l’église universelle, la messe du pape, ses propos simples qui touchent chacun d’entre nous au plus profond de lui- même, pour moi, c’est cela l’église de demain. Pas besoin de perdre ses forces vives dans des actions extraordinaires mais être présent là où Dieu nous appelle, au cœur des cités, auprès des personnes fragilisées. Dieu nous rejoint et nous aide à nous convertir, j’ai l’impression d’avoir vécu une réelle résurrection. Ceux qui sont seuls, ceux qui sont pauvres, ceux qui sont diminués m’ont envoyé de beaux messages de Pâques, je vous en livre deux :

« De quoi devrais je me plaindre, j’ai tout ; un toit, à manger, etc.. »

« Le confinement, celui qui doit être crucifié ne trouve-t-il pas le carême bien court ? »

Demain ce sera la pentecôte, l’Esprit Saint descendra-t-il sur notre église pour la rendre plus simple, plus universelle et plus proche de ceux qui ont besoin d’espérance ? C’est ma prière de Pâques.

 

Bernardine

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