Homélie du dimanche 24 novembre à St Ferdinand

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Etes-vous prêts à vous baigner dans la Seine ? je ne crois pas. Les eaux sont sales. Cet exemple montre que nos conditions de vie sont loin d’être saines. Et il y a encore l’air pollué, la biodiversité menacée, la qualité de nos aliments souvent douteuse. Bref notre environnement est dégradé. Cela nous est rappelé aux informations, à l’école, ou par les scientifiques, mais nous le constatons aussi chaque jour, chaque année.

Que devons-nous faire ? Certains nous disent qu’il faut respecter la création. Mais aujourd’hui, le respect de la création ne suffit plus. Il ne suffit plus de respecter la création telle qu’elle est, de maintenir la situation en l’état, car l’état actuel n’est plus du tout satisfaisant. Que pouvons-nous faire de plus alors ?

La lettre aux Colossiens que nous venons de lire nous offre une piste très intéressante.  Que dit Paul dans cette lettre ? « Le Fils est le premier né de toute la création » (Col 1, 15). Jésus est le frère aîné de toute la création, il n’est pas seulement le frère aîné d’une partie de la création, les êtres humains, non il l’est de toute la création. Cela veut dire que non seulement les humains, tous les humains, sont frères et sœurs, sans exception, mais cette fraternité est élargie aux animaux, aux plantes, mais aussi aux minéraux, aux éléments chimiques constitutifs de notre monde. « Le Fils est le premier né de toute la création» et pas uniquement d’une infime partie de la création.

Cela n’est pas une innovation de ma part. C’est ce que nous dit la Parole de Dieu. C’est ce que nous dit aussi François d’Assise. Il parlait du Soleil en disant « frère soleil» : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil par qui tu nous donnes le jour, la lumière». Et le pape François a repris à son compte cette belle prière de François d’Assise pour en faire le titre de sa lettre adressée au monde entier pour la sauvegarde de notre maison commune.

Cette fraternité avec toute la création, avec toutes les créatures, « dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles… (v.16) », nous invite à beaucoup plus que du respect. Dans ma famille est-ce que je me contente de respecter mon frère et ma sœur ? Non seulement, je le respecte mais je l’aime aussi, d’un amour qui prend soin de l’autre non pas pour le maintenir en l’état, mais pour lui permettre de s’épanouir, pour lui permettre de s’accomplir. Il en est ainsi avec toutes les créatures, qui sont nos sœurs, non seulement nous les respectons, mais nous voulons les aimer, leur permettre de se développer et de s’épanouir.

Nous sommes liés à la nature. Le deuxième récit de la création, en Genèse 2, nous le rappelle. Le premier homme, appelé en hébreu « Adam », est faite à partir de la terre, en hébreu « Adamah » Nous sommes liés à la terre et à toute la nature. La nature est l’enveloppe charnelle de l’homme. « Tout tient ensemble ». Il est impossible de mettre une distance entre l’environnement et nous, sauf à mourir asphyxié.

Quand on découvre avec Paul que nous sommes dans une même famille avec toute la création, notre rapport au reste du monde est susceptible de se convertir. Comment oser dire que la nature est notre sœur quand nous la martyrisons et la maltraitons ? Comment permettre à chaque créature, et à toute la création, d’aller vers son accomplissement, vers sa plénitude ?

François d’Assise était sensible au rapport que nous entretenons avec la nature. Notre manière d’aimer la nature révèle notre manière d’aimer Dieu, son créateur, et son frère aîné. Et on comprend mieux son appel à la pauvreté, c’est-à-dire à la modération, à la sobriété. Il nous invite à un mode de vie qui n’épuise pas le monde, qui refuse une consommation toujours plus grande, mais se contente du nécessaire.

Quand je suis arrivé au Mali, avec mes deux gros bagages de 23 kg, ayant apporté tout ce que je pouvais de France pour vivre ma mission à San au centre du Mali, le prêtre malien m’a accompagné dans ce qui allait être ma chambre pendant plusieurs années. Dans cette chambre, il y avait un lit, une table, une chaise, une étagère et un sceau pour la douche. Il m’a dit alors avec un grand sourire : « Père Alexandre, bienvenu, si jamais il vous manque quelque chose, dites-le-moi, … et je vous dirai comment vous en passer ».

Notre vie sera belle et heureuse, si nous nous contentons de ce que nous avons, sans chercher à avoir toujours plus. Notre vie sera belle et heureuse, d’autant plus si nous permettons à la création de se développer. Notre vie sera belle et heureuse, d’autant plus si nous prenons soin de notre maison commune, la terre et toutes les créatures. C’est ce que nous voulons faire en participant à « Eglise verte », et en posant des gestes concrets pour prendre soin de notre création. De même que nous nous efforçons d’améliorer le quotidien des personnes, nous nous efforcerons d’améliorer le quotidien du reste de la création, non pas seulement en respectant l’environnement, en faisant attention à notre consommation d’énergie (et le nouveau chauffage de St-Ferdinand consomme justement deux fois moins qu’avant), en évitant les gâchis, en favorisant les transports communs, en triant nos déchets, mais en aimant la création, notre fratrie élargie, en en prenant soin, en améliorant tout ce qui peut l’être.

En nous engageant dans cette voie, nous pourrons entrainer les autres ; nous pourrons ressusciter l’espérance de quelques-uns qui pensent qu’on ne peut plus rien faire pour arranger le cours des choses, que tout est fini. Ce n’est pas nous, seuls, qui rendront la Seine propre à la baignade, mais nous pouvons prendre notre part à ce travail qui rendra notre monde plus vivable.

Amen

 

 

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