L’homme désincarné – Du corps charnel au corps fabriqué  

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Le 24 Juillet dernier, le projet de révision des lois de bioéthique a été présenté devant le conseil des ministres. Il comprend plusieurs volets : celui d’étendre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules au nom de légalité ; une réforme de la filiation, l’autorisation de l’autoconservation ovocytaire et celle de la destruction d’embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental et non utilisés par des chercheurs après un délai de cinq ans, cette mesure entend répondre au surnombre d’embryons conservés en France : fin décembre 2016, d’après l’Agence de biomédecine, il y en avait 225 000 , dont près de 30 000 ne faisaient plus l’objet d’un projet parental … *

Dans le journal la Croix du 26-07-2019, Mgr Eric de Moulins Beaufort faisait part de sa tristesse devant les mesures annoncées car précisait-il : [« elles confirment l’impuissance des politiques à résister devant la sorte de pression qu’ils ont contribué à créer en faisant croire que des solutions techniques, médicales et éthiques contribueront à soulager toutes les souffrances et les désirs non réalisés. Tout en comprenant la douleur des gens qui ne peuvent pas avoir un enfant, il pose la question de ce qui ce cache derrière ce désir : « une peur de la mort, la solitude, le désir de donner de l’amour et d’en recevoir. Ces aspirations ont besoin d’être clarifiées »].

En 2018, Véronique Margron (Dominicaine), soulignait à quel point : [« Nos sociétés sont fascinées par la toute maîtrise » mais que, devant ledésir d’enfant,il était toutefois nécessaire d’entendre les souhaits de chaque individu sans les « diaboliser ». Cependant s’interrogeait-elle : « Une société doit-elle tout mettre en œuvre pour y répondre? Doit-elle édifier une procédure très complexe qui passe par des services de santé, des dons, et par l’expression de la solidarité nationale à travers la Sécurité Sociale? Ce désir doit-il être tellement puissant que la société mettrait à son service ses meilleures capacités technoscientiques, oubliant au passage que celles-ci ont, avant tout une fonction thérapeutique De fait, il faut sortir de ces cas individuels et essayer de penser le collectif. On ne fait pas la loi à partir seulement de cas individuels, a fortiori quand il n’y a pas d’injustice causée par la collectivité. La question est de savoir ce que la société veut transmettre.]» *

En tant que Chrétiens et citoyens, devant ce sujet douloureux et complexe, notre devoir n’est-il pas de nous tenir informés afin de pouvoir répondre avec justesse aux questions posées ? Sans jugement envers les personnes qui ont recours à ces techniques, il est nécessaire de comprendre les grands enjeux soulevés par la loi. Le 16 Juillet, un autre article de La Croix nous invitait à découvrir le petit livre, d’un prix modique, dans lequel Sylviane Agacinski, agrégée de philosophie qui a toujours combattu pour la cause des femmes, critique en exposant ses arguments, le rapport de la mission bioéthique de l’Assemblée nationale. Elle y aborde avec clarté les grandes questions éthiques, morales et politiques posées par toutes les nouvelles techniques de procréation. A propos de la PMA, elle dénonce les propositions de Jean-Louis Touraine qui demande à l’assemblée de donner toute sa portée à la volonté des individus. Il s’agit là de la doctrine ultralibéraliste californienne : l’intention de faire naître un enfant devient décisive et fonde la filiation. Le rapport reconnaît qu’actuellement l’un des premiers critères du recours possible à PMA et au don de gamètes est l’infertilité d’un couple. Mais, ce terme peut-il être appliqué à une femme seule, à une femme ménopausé ou à un couple de même sexe ? Elle s’oppose, avec fermeté, à la GPA qui risque de voir le jour dans un avenir plus ou moins proche et en détaille toutes les dérives possibles, plus particulièrement un « marché mondial » autour du corps humain, ce qui est contraire aux principes fondamentaux des droits de l’homme. **

Antoine Gallimard, présentant la collection Tract s’exprime ainsi : «  Notre liberté de penser, comme toutes nos libertés, ne peut s’exercer en dehors de notre volonté de comprendre » ;voilà pourquoi elle fera entrer les femmes et les hommes de lettres dans le débat, en accueillant des essais en prise avec leur temps … Ces voix doivent se faire entendre en tous lieux ».C’est ce que fait Sylviane Agacinski qui termine ce recueil parces phrases : [« …, la liberté consiste à pouvoir faire ce que les lois permettent ». Ces lois instituent la liberté au nom du bien commun, de la justice et de la protection des droits fondamentaux reconnus à tout être humain… Aujourd’hui, l’Europe et la France ont à choisir entre la perspective d’un « marché total », auquel rien ne devrait échapper, et celle d’une société soucieuse d’instaurer des institutions justes »]. **

Dans un souci de compréhension, il est indispensable de nous faire une idée précise des grands enjeux liés à cette révision. Cet ouvrage est donc à lire ! Néanmoins, au-delà des prises de position et des questions soulevées, les propos de Mgr Eric de Moulins Beaufort : « Il semble en effet qu’à chaque révision de la loi, les encadrements sautent, que les précautions qui avaient été prises la fois précédente sont rabotées… Notre rôle, à nous évêques est de travailler pour aider tous ceux qui veulent vivre une relation d’amour, de fraternité, d’amitié, de générosité et de reconnaissance mutuelle : que les gens mariés soient attentifs aux célibataires, que ceux qui ont des enfants le soient avec ceux quin’en ont pas… Nous pouvons nous fortifier les uns les autres pour apaiser et même aider à transfigurer ces situations douloureuses », nous invitent à nous ouvrir, à écouter ceux qui ont besoin de réconfort dans la situation douloureuse qui est la leur et avec amour, compréhension et tact les aider à comprendre que, même en renonçant à avoir une descendance, il y a bien d’autres manières de donner à son existence une direction et un sens.*

Georgette

Sources : * Journal La Croix – ** L’Homme désincarné paru en Juin 2019.

Pour lire les 32 articles de ce projet de loi, consulter le journal La Croix : titre PMA, filiation, anonymat, ce que contient le projet de loi de bioéthique.

 

 

 

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