Mgr Henri Teissier (21/07/1920 – 01/12/2020) : une vie au service de l’Algérie et de son Église

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L’ancien archevêque émérite d’Alger, victime la veille d’un AVC avait été accueilli au service de réanimation de l’hôpital Édouard Herriot de Lyon. Le père Christian Delorme, ses nièces et son neveu l’ont veillé toute la nuit, récitant pour et avec lui, la prière d’abandon qui lui était chère. Il est décédé mardi 1er décembre, jour où l’Église fête le bienheureux Charles de Foucauld.

Il passa l’essentiel de sa vie à Alger dès l’été 1951. Grâce au père René Laurentin, il y effectua un stage d’un an dans une usine de planchers préfabriqués mais aussi dans la paroisse Notre Dame de la Nativité d’Hussein Dey.

Son objectif était de vérifier la solidité de sa vocation. Ordonné en 1955, il n’eut qu’un souhait : retourner en Algérie

Il part perfectionner son arabe appris pendant ses études au séminaire à  l’Inalco au Caire pendant deux ans.

Les petits frères et petites soeurs de Jésus, un modèle de vie évangélique

En 1958, devenu prêtre, il arrive à Alger et est nommé dans le quartier de Belcourt où vivent environ 20 000 chrétiens. Il y suit jusqu’à 40 groupes : « patronage, chorale, ACO, ACI, scouts, catéchisme… ». C’est la grande époque des petits frères et petites sœurs de Jésus qui, ayant choisi une vie pauvre, au milieu des Algériens, porte en communauté le peuple dans sa prière. À ses yeux, c’est un modèle de vie évangélique.

Le Royaume se construit là où l’on travaille pour l’humanité

À ceux, qui, de l’autre côté de la Méditerranée le jugeaient « trop mou », il rétorquait : [« J’ai accompagné des catéchumènes vers le baptême avec une grande joie. Mais n’avons-nous rien à faire avec les 99% de musulmans qui le resteront ? » – « Le Royaume ne se construit pas seulement là où l’on « fait des baptisés » mais là où l’on travaille pour l’humanité »].

Selon lui, et c’est ce qu’il  vécu dans son pays d’adoption (il avait obtenu la nationalité algérienne en 1965), « le message évangélique doit transformer les personnes et les sociétés ».

Découvrir la culture algérienne et l’Islam

Après l’indépendance, tout est à repenser et à reconstruire. Il fait donc le choix de rester. Le cardinal Léon-Etienne Duval lui confie alors la mission de fonder un Centre diocésain d’études de langues et de pastorale pour accompagner la découverte, par les chrétiens, de la culture algérienne.

Avant son déménagement, quelques années plus tard aux Glycines, le centre sera installé au grand séminaire de Kouba. C’est à cette période que naîtra, grâce à un manuscrit retrouvé chez un ami, l’une des grandes passions de sa vie : l’Émir Abdelkader : « L’Émir était concerné par la recherche d’un dialogue islamo-chrétien, et cela avait été écrit en 1849, c’est-à-dire un siècle avant que ce dialogue devienne un sujet général. C’est pour cela que je me suis intéressé à ce manuscrit », expliquait-il.

Au service de l’Algérie

Homme aux innombrables amitiés algériennes il fut aussi un pilier de sa petite Église. Nommé évêque d’Oran en 1972, évêque coadjuteur d’Alger en 1980, il deviendra en 1988, à la suite du Cardinal Duval, archevêque d’Alger. Il cherchera, avec persévérance, le moyen de se mettre au service de ce pays qui, depuis son indépendance, ne cesse de se chercher une identité, un avenir politique, un projet commun… Avec une petite équipe, il venait d’achever de réunir des témoignages sur cette époque de bouillonnement et de questionnements. Un livre : « L’Église et les chrétiens dans l’Algérie indépendante », qu’il avait préfacé en est le fruit. Il vient de paraître aux éditions Kartala.

Dans la tourmente

Au moment où l’Algérie est plongée dans la tourmente de la violence islamiste, c’est lui qui accompagnera chacun des membres du diocèse dans son discernement : partir comme le leur ordonnaient les autorités françaises, ou rester malgré les risques ? C’est lui aussi qui, durant cette décennie noire, sera appelé, à 18 reprises, après l’assassinat tragique d’un des « siens . A chaque fois, dans le chagrin et la peur, après avoir prévenu les familles, il organisera les obsèques ou le rapatriement des corps. L’ assassinat de son ami Pierre Claverie (l’évêque d’Oran) le blessera profondément. Néanmoins, il tiendra bon.  En 2000, alors que cette tragédie a pris fin,  le pape Jean-Paul II l’invite, à la célébration organisée au Colisée pour « les martyrs du XXe siècle ».

La première béatification en terre musulmane

Soucieux de partager avec l’Église Universelle leur témoignage de fidélité, c’est avec les familles des 19 martyrs d’Algérie, qu’il lancera l’idée de leur béatification. Le résultat, le 8 décembre 2018, dépassera tous ses espoirs. L’Algérie, pays blessé et majoritairement musulman, avec le soutien de nombreux algériens, des gouvernants et des autorités algériennes, ceux des autorités civiles, des familles des martyrs et des quatre diocèses de l’Église catholique en Algérie, accueille la première béatification en terre musulmane.

Pour cet homme, artisan de paix, la très belle célébration au sanctuaire de Santa-Cruz est venue couronner une vie entièrement donnée à l’Église et à l’Algérie. Pour Mgr Henri Teissier, qui désirait une Église du dialogue, signe du salut et d’humanité, elle fut un accomplissement, mais aussi une forme de guérison. Il devrait, selon son vœu le plus cher et celui de ses nombreux amis algériens, être inhumé en Algérie. Prions pour lui, pour sa famille, pour le peuple algérien, pour l’Église et pour la paix universelle.

Georgette et l’équipe du site internet

Source : Anne Bénédicte Hoffner – La Croix du 1-12-2020

Illustration : Wikimédia Commons – Source Archevêché d’Alger – Auteur Fabrice Blaudin de Thé – Licence CC BY-SA. 3.0)

 

 

 

 

 

 

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