La pierre d’angle (Mt 21, 42)

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Un verset de l’évangile de Matthieu de ce 27e dimanche du temps ordinaire :

« Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » (Mt 21, 42)

est particulièrement parlant pour notre famille qui a compté, pendant plusieurs générations, d’une part des ancêtres tailleurs de pierre établis à Saintes et à Pons (17), région où des carrières de qualité furent longtemps utilisées pour la construction de monuments, et d’autre part des paysans migrants, les fameux maçons de l’ancienne région de la Marche, devenue au 17e siècle le département de la Creuse. La population y était relativement nombreuse et des terres peu fertiles, des propriétés trop morcelées ne permettaient pas aux familles de subsister. Dès le milieu du XVe siècle, les hommes quittèrent leur foyer et partirent de mars à décembre, travailler sur les chantiers de construction des grandes villes (Bordeaux, Lyon, Paris…).

 

Dans la Bible, le mot pierre apparaît 347 fois, juste derrière l’eau qui est pourtant une ressource vitale (384 fois) et devant l’amour (295 fois). S’il y est si souvent cité en référence, c’est que le paysage et la géographie de la Palestine regorgent de pierres, marquant ainsi les représentations et les récits bibliques. Il est souvent évoqué dans l’Ancien Testament : « Cette pierre dont j’ai fait une stèle sera la maison de Dieu. De tout ce que tu me donneras, je prélèverai la dîme pour toi. » (G, 28, 22). – « Le Seigneur dit à Moïse : « Monte vers moi sur la montagne et reste là ; je vais te donner les tables de pierre, la loi et les commandements que j’ai écrits pour qu’on les enseigne. » (Ex 24, 12). – « Quand le Seigneur eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables du Témoignage, les tables de pierre écrites du doigt de Dieu » (Ex 31, 18). – « Moïse tailla deux tables de pierre semblables aux premières. … » (Ex 34, 4). – « … Moi, dans Sion, je pose une pierre, une pierre à toute épreuve, choisie pour être une pierre d’angle, une véritable pierre de fondement. Celui qui croit ne s’inquiétera pas » (Is 28, 16). Il en est de même dans le Nouveau : « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16, 18). – « …Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver » (Ac 4, 11-12). – « Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu » (1 p 2, 4).

Le verset que nous méditons aujourd’hui est la reprise exacte par St Matthieu des versets 22 et 23 du psaume 117 qui appartient à la catégorie du psautier que la tradition juive appelle le « Hallel » c’est-à-dire les psaumes de « la louange pascale de la liturgie juive ».

Cet hymne d’actions de grâce délivre ce message essentiel : même au moment du doute et de l’angoisse, il faut maintenir la flamme de la confiance. St Jean-Paul reprenait lors, d’une catéchèse sur la place St-Pierre le 05 décembre 2001, un commentaire de Cyrille de Jérusalem : « Nous disons qu’il n’y a qu’un seul Seigneur Jésus-Christ. Il est appelé pierre, une pierre qui n’est pas inanimée, ni taillée par des mains d’homme, mais pierre d’angle car celui qui aura cru en elle ne sera pas déçu ». La louange pascale juive prélude l’heure de la passion et de la mort de Jésus. Elle réalise et donne sa pleine signification au symbole de la pierre d’angle qui est cette pierre qui, comme son nom l’indique, se situe à l’angle de deux murs. Cruciale pour la solidité du bâtiment, elle doit être taillée avec précision. La plus petite erreur de calcul oblige le tailleur de pierre a recommencé, avec persévérance, son ouvrage. La pierre, commune à tous les pays est solide, durale. Symboliquement signe de force, elle est employée dans la Bible pour nous rappeler que Jésus est l’élément fondamental de l’Église, celui sur qui Elle s’appuie. Elle est aussi pour le Chrétien, signe et lieu d’un lien entre Dieu et l’homme.

L’apôtre Pierre, dans sa première lettre nous convient à la construction de l’Église : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ » (1 p 2, 5). Toutefois, il prévient : « … pour ceux qui refusent de croire, il est écrit : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre d’achoppement, un rocher sur lequel on trébuche… » (1 p 2, 7-8). Jésus est cette pierre, ce solide rocher qui nous questionne et sur lequel parfois nous trébuchons par manque de foi et de persévérance. Il nous faut donc apprendre à accepter nos chutes, à les prendre en compte sans toutefois nous démobiliser.

À l’exemple de nos ancêtres, à qui nous rendons hommage pour ce dur labeur qui demandait du courage, de la patience, de la résistance, de la précision et une aptitude à travailler en équipe, nous ne devons pas nous décourager. Nous devons être patients et mettre en pratique cette parole : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle » (1 P 2,5). Nous pouvons faire nôtres ces paroles du chant « une cathédrale » : « Les pierres précieuses du pardon pourront servir aux fondations. Elles sont les bases pour bâtir, pour s’élever et tenir bon ».

 

Georgette
Source : Centre pastoral Saint-Merry (75004 Paris) – La pierre rejetée
Illustration : Wikimédia Commons – Cathédrale de Notre Dame-de-St-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) licence : GNU Free Documentation – Auteur Em-Dee

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