Homélie du dimanche 10 novembre à St Gratien

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Concrètement, comment ça va se dérouler, la résurrection ? Et d’ailleurs, elle aura lieu dès notre mort, ou bien après ? Et puis, quel âge on aura, avec quelle apparence, et quel corps ? Est-ce qu’on va se reconnaître ? Comment on va faire pour tenir tous sur terre, si tous les humains de tous les temps ressuscitent ? Et qu’est-ce qu’on fera, une fois ressuscités ? etc…

Beaucoup d’interrogations, parfois ingénues, qui peuplent nos imaginaires, mais qui ne sont pas nouvelles, comme le prouve le débat de Jésus avec les Saduccéens dans l’Evangile (avec le cas d’école de la femme qui a eu successivement 7 frères comme maris).

 

1/ La question de la résurrection des morts dans la bouche de Jésus

 

La résurrection des morts n’est admise qu’en partie par le judaïsme de l’époque de Jésus.Des controverses surgissent, concernant l’interprétation de l’Ecriture, au sujet de la question de la résurrection des morts (cf. le débat entre Pharisiens et Saduccéens, dans lequel Jésus est impliqué ici).

NB/ Les Saduccéens forment un groupe « élitiste » à Jérusalem (les grands prêtres du Temple sont choisis parmi eux) et religieusement « conservateur » (ils ne reconnaissent comme Ecriture que le Pentateuque et pas les traditions ultérieures du judaïsme, notamment le 2ème Livre des Martyrs d’Israël) => Jésus, qui suit la position des Pharisiens, est obligé d’étayer sa position à partir des livres de Moïse.

Deux éléments dans la réponse de Jésus :

 

a/ Jésus commence par dire qu’il ne faut pas imaginer la résurrection des morts de manière trop concrète et prosaïque (ceux qui ressuscitent « ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges »). Jésus s’oppose délibérément à la conception juive dominante, qui considère le corps ressuscité comme parfaitement identique au corps terrestre et le monde de la résurrection comme la simple continuation du monde terrestre.

Cela coupe court à toute idée naturaliste et physiciste de la résurrection. La résurrection n’est pas la réanimation d’un cadavre : elle est autre chose que le retour des « corps » selon le mode de ce monde.

 

b/ Jésus renvoie ensuite à la position mosaïque de Dieu, à la présentation que Dieu fait de lui-même au buisson ardent : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ». Les hommes que Dieu a appelés font eux-mêmes partie intégrante de la notion de Dieu. Ce serait faire de Dieu un dieu des morts, et donc prendre à contresens la notion de Dieu dans la première alliance, que de déclarer morts ceux qui appartiennent à Celui qui est la vie !

 

Avec Jésus, la résurrection prend une place centrale dans la confession de foi ; elle n’est plus un article de foi parmi d’autres mais elle s’identifie à la notion de Dieu. Elle devient l’affirmation centrale de la foi chrétienne (la résurrection des morts, en lien avec celle de Jésus). Car la foi en la résurrection est impliquée par la foi en Dieu même. Dieu lui-même, la communion avec Dieu, voilà la vie ! Adhérer à lui, être appelé par lui, c’est cela être dans la vie indestructible.

 

2/ La résurrection des morts : une aberration pour la raison ?

 

« Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre plus de contradiction que sur la résurrection de la chair » (Saint Augustin). Dès le début, la foi chrétienne en la résurrection a rencontré incompréhensions et oppositions. Il est très communément accepté qu’après la mort la vie de la personne humaine continue d’une façon spirituelle. Mais comment croire que ce corps si manifestement mortel puisse ressusciter un jour à la vie éternelle ? La résurrection reste le vrai scandale de la pensée.

 

Beaucoup conçoivent la résurrection comme une métaphore pour parler de l’immortalité de l’âme. Mais pour la foi chrétienne, après la mort, il y a une étape nouvelle encore différée et laissant donc place à l’attente de la résurrection. La résurrection des morts n’aura lieu qu’à la fin des temps, lors de la venue glorieuse du Fils. Et c’est bien notre être tout entier, avec ce corps tel que nous le connaissons, qui est appelé à cette résurrection. Cf. Fidel Damasi (5ème siècle) : « Nous croyons que nous avons été purifiés dans sa mort et dans son sang pour être ressuscités par lui au dernier jour dans cette chair dans laquelle nous vivons maintenant. »

 

Concernant la matérialité de cette résurrection, presque tout demeure en suspens. On affirme avec insistance qu’elle est « tout autre chose ». Il n’y a pas lieu de décider de prime abord ce que signifie concrètement son réalisme spirituel, opposé à toute spiritualisation.

 

Pourquoi, en définitive, cette doctrine de la résurrection est-elle judicieuse et cohérente au regard de la raison ? Elle se fonde sur l’idée que, d’une manière ou d’une autre, le tout de la création de Dieu entre finalement dans le salut.  Dieu est fidèle à toute sa création : « résurrection de la chair » ne signifie résurrection de la créature que si elle implique également résurrection du corps. Nous ne pouvons pas nous faire aucune idée de ce monde, et ce n’est d’ailleurs pas nécessaire ; il faut renoncer définitivement à de telles tentatives. Mais, par-delà toutes les images et indépendamment d’elles, il reste qu’une juxtaposition éternelle, sans relation et donc statique, du monde matériel et du monde spirituel est contraire à la signification essentielle de l’histoire, à la création de Dieu et à la parole de la Bible.

 

Père Edouard George

Références :

Catéchisme de l’Eglise Catholique, 988 ss.

Joseph Ratzinger, La mort et l’au-delà, Fayard, 1994

Bernard Sesboüé, La résurrection et la vie, Desclée de Brouwer, 2008

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