Léon Lesca : le bon usage d’une fortune

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Pendant nos vacances, nous avons eu l’occasion de visiter la Chapelle Ste Marie du Cap (connue sous le nom de la Chapelle Algérienne). Elle se situe dans le village ostréicole de l’Herbe et fait face au Bassin d’Arcachon. Elle témoigne de l’histoire de la presqu’ île de Lège – Cap Ferret et est liée aux Lesca, grande famille d’exploitants forestiers du 19eme siècle. C’est Léon Lesca qui la fit construire.

 

Né à la Teste du Buch, il était issu d’une vieille famille Testerine . C’est en 1780 que la fibre forestière entre dans la famille grâce à Jean Lesca. Ses fils Frédéric et Léon vont faire fructifier son patrimoine. L’aîné obtient du roi l’autorisation de monter une distillerie de résine. A l’époque, la gemme de pin (suc résineux) fait figure d’or noir. Elle le restera jusqu’à ce que le pétrole le devienne. Au 19eme siècle, avec ses 10 000 hectares de pin, la famille est considérée comme la plus riche du pays de Buch.

 

Entrepreneur de travaux publics, Léon obtient sous Napoléon III, l’adjudication des travaux du Port d’Alger et de la voie ferrée Constantine-Philippeville. En 1863, de retour sur le Bassin, il fait l’acquisition avec son frère d’un vaste domaine au lieu-dit « Gnagnotte », vaste désert de dunes et de sable situé entre le Cap Ferret et Claouey.

 

Riche, Léon Lesca l’est. C’est aussi un philantrope (en grec philantrôpos, de philo = ami et anthrôpos = homme). Ce terme désigne donc une personne bienveillante, ayant le souci du sort de l’humanité. A une époque où le sort des plus démunis n’était guère une préoccupation de l’Etat, elle émanait souvent d’une catégorie sociale nantie mettant la cohésion de l’humanité au premier plan de leurs priorités. Elle sert le bien commun et l’intérêt général). Léon s’investit sur cette langue de terre quasi désertique où ne vivent que quelques douaniers et les gardiens du phare. Il fait construire un réservoir à poissons autour duquel sont plantées des vignes. C’est aux Jacquets qu’un véritable vignoble voit le jour sur plus de 25 hectares ; il produit un vin rouge « les Dunes du Cap-Ferret » fort apprécié. En 1863, il décide d’édifier, à l’entrée de ce qui devenu aujourd’hui le village de l’Herbe, une grande demeure de style mauresque : la Villa algérienne. Les travaux débute en 1865. Il fait également aménager une jetée, bâtir une école et des logements pour son personnel. Il implante l’ostréiculture et fonde une société de protection des parqueurs (personnes qui s’occupent des huîtres d’un parc d’élevage et l’entretiennent). Quant la villa est terminée, il s’y installe définitivement. Sur la propriété s’activent en permanence plus de 80 personnes. Il y meurt en 1913 à l’âge de 88 ans.

 

                            

 

 

 

 

 

               

 

 

 

 

Il n’y avait aucun lieu de culte sur la presqu’ île. Les enfants ne pouvaient pas suivre le catéchisme et il fallait se rendre à la messe à Arcachon en pinasse, ce qui présentait de réels dangers. Vingt ans après la construction de sa villa, Léon décide donc de faire bâtir, à ses frais, une chapelle sur le domaine. En 1885, lorsqu’elle est achevée, il obtient l’autorisation du président de la République Jules Grévy d’y faire célébrer le culte catholique. Bien que lieu de culte privé, elle sert d’église aux habitants des villages ostréicoles. Un presbytère est donc également construit sur la propriété.

 

L’édifice est d’inspiration mauresque. Motifs, symboles arabes et chrétiens s’y mêlent.  Sur sa façade, nous pouvonslire une inscription latine : Gloria Deo et juste au dessus de la porte d’entrée, une autre écrite en Arabe qui signifie  » Bienvenu à toi « . Le clocher est orné d’une croix et d’un croissant. Les couleurs vives, les carreaux de céramique aux motifs géométriques et floraux, l’utilisation de l’arc outrepassé (la partie la plus large de l’arc se trouve plus haut que les montants) sont des éléments qui traduisent l’influence de l’architecture mauresque. Un unique et original lustre, composé de bois, de verrerie, de porcelaine  et de pompons en tissus multicolores et chatoyants, l’éclaire. On peut y distinguer une étoile à cinq branches et un croissant. Cette étoile est d’une grande richesse symbolique : elle représente à la fois  les cinq piliers de l’Islam mais aussi pour les Juifs les cinq livres sacrés que Moïse a reçu de Dieu et pour les Chrétiens les cinq plaies du Christ et les cinq mystères joyeux du Rosaire. Dans l’iconographie chrétienne elle symbolise la connaissance spirituelle.  Son  message est clair : ce lieu, est celui du respect de l’autre !

 

 

                                          

 

                                      

 

                                                             

La villa n’a pu être classée. Mise en vente, elle a été rasée par un promoteur en 1965. Sur le terrain a été construit un immeuble semblable à tant d’autres où séjournent les touristes.

 

                

 

De l’immense domaine, il ne reste que la chapelle. Inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 2008. Vendue par l’association diocésaine pour 1 € à la ville de Lège-Cap Ferret,  elle a été entièrement rénovée en 2011. Ce lieu est un havre de paix et, à mes yeux, avec sa belle harmonie des formes, des couleurs et ses symboles, il représente l’ouverture aux autres, l’esprit de  tolérance. Il nous invite à la prière pour un monde plus juste, plus fraternel et plus humain.

 

                                             

 

Léon Lesca fut Conseiller général du canton de La Teste pendant vingt cinq ans, administrateur des orphelinats de Gironde et créateur de la Société du vapeur « Courrier du Cap ».

 

Son œuvre illustre les propos tenus par le pape François le 17-11-2016 devant les participants à la Conférence Internationale des Associations des Entrepreneurs Chrétiens (UNIAPAC) :[« L’argent doit servir au lieu de gouverner »… « les entreprises ne doivent pas exister pour gagner de l’argent mais pourservir »]. Il en est de même pour le petit livre : le Pain de chaque jour (1918). Le Père Dunoyer y écrivait à propos de l’évangile de Matthieu 19, 21 : [« Mon enfant, tu veux être parfait. Si tu le veux soit pauvre, « dépouille toi de tout ce que tu possédes », et reviens me suivre »…Et toi qui ne peut te dépouiller de biens temporels, n’y laisse pas attacher ton cœur ; ils peuvent être un moyen d’acquérir la vie éternelle, n’en fait pas un obstacle ».

 

Georgette

Sources : Histoire de la presqu’île du Cap Ferret – L’express : Les Léca, bienfaiteurs du bout du monde.

 

 

 

 

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