Les noces de Cana par Gérard David (v 1455-1523)

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Le peintre

De son vrai nom Gheeraedt ou Geerart Janszomm, Gérard David naît à  Oudewater (près de Gouda – Pays Bas) vers 1455. Il s’installera à Bruges, (Flandres Occidentales) qui, au 15eme siècle, est un grand centre de la création picturale.

Peintre, dessinateur et probablement miniaturiste, il aurait pris le prénom de son père David comme patronyme. Il est classé comme l’un des derniers « Primitifs Flamands ». Il est considéré comme l’un des maîtres de ce mouvement artistique faisant la transition entre le gothique et la Renaissance.

Cette période est un tournant dans l’art pictural par l’utilisation systématique de la peinture à l’huile. S’ils ont assimilé les leçons de perspective, ces peintres demeurèrent cependant fidèles au style gothique par la tenue des personnage et les éléments architecturaux.

En 1484, il est admis à la corporation de St Luc de Bruges regroupant les artistes peintres et sculpteurs. Il en deviendra le Doyen en 1501.

En 1507, il devient membre de la Confrérie Notre Dame de l’Arbre Sec (engagée dans la charité et consacrée à l’Immaculée Conception).

Cet artiste, par l’évolution de sa palette (couleurs plus suaves, traitement de la lumière et paysage à l’arrière plan tissa le lien entre la peinture flamande du 15eme siècle et la première Renaissance Italienne. Il meurt à Bruges le 15 Août 1523.

Une commande de Jean Sedano

L’œuvre « les Noces de Cana » fut commandée par un riche marchand castillan Jean Sedano, probablement à l’occasion de son entrée dans la Confrérie du Saint Sang dont le but était de conserver la relique rapportée de la 2de croisade par un citoyen Brugeois (toujours visible à la Basilique du Saint Sang à Bruges). Cette huile sur bois, conservée au Louvre, relate le récit tiré de l’Evangile de Jean (le seul à ne pas relater la Cène) qui a choisi de figurer l’Eucharistie à travers deux récits de la vie du Christ : celui de la multiplication des pains (Jn 6, 1-15) et dans les Noces de Cana lu ce jour (Jn 2, 1-11).

Les noces de Cana, un signe

Il faut souligner que Jean n’emploie pas le mot grec « terata » = haut fait, miracle, prodige qui a une connotation de puissance d’autorité mais utilise celui de « sèmeion » = « signe » : [« Tel fut le commencement des signes que Jésus a accomplit. C’était à Cana de Galilée…. » (Jn 2, 11) – « Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait »(Jn 6, 2)].

Les détails du tableau

La scène se passe dans une galerie percée à gauche d’une ouverture offrant une vue sur une place entourée de monuments gothiques (probablement à Bruges). La table des noces, recouverte d’une nappe blanche, la vaisselle (en étain ou en argent, les couverts, les verres en cristal) et les mets laissent deviner le haut rang des hôtes. La richesse est accentuée par la présence de deux salières.

    

A l’époque le sel était précieux, très cher et un impôt, la gabelle, était prélevé. On avait donc coutume de déposer la salière à côté du personnage le plus important ; ici c’est le Christ, l’autre est placée près de la mariée. On peut y voir une allusion à l’Epouse c’est-à-dire l’Eglise, l’assemblée du Christ …

Une assemblée de femmes

La mariée, au centre, est assise devant une tenture brodée. Vêtue d’une robe rouge, les cheveux détachés pour la dernière fois car dorénavant, elle portera désormais la coiffe blanche des épouses. Les yeux baissés et les mains jointes, elle semble prier.

Ce sont principalement des femmes qui sont installées à cette table. Elles portent des tenues et des coiffes richement brodées.

               

Le geste de bénédiction de Jésus

Il n’y a pas d’hommes à part le Christ et un vieil homme, à droite, qui tend son gobelet d’étain. Face à la mariée, un jeune homme découpe la viande. Jésus et Marie se distinguent des autres personnages par la sobriété de leur tenue sombre (à part la coiffe blanche de Marie). Ils sont auréolés de fins traits d’or entourant leurs têtes. Jésus lève la main dans un geste de bénédiction ressemblant à celui d’un prêtre au moment de la consécration. Son regard semble se diriger vers le pain sur la table. Sa mère regarde dans sa direction.

De nombreux symboles eucharistiques

Le miracle de l’eau changé en vin

Au premier plan, le regard est attiré par les six cruches en terre cuite et par le geste du jeune homme qui, un genou à terre, montre une coupe. Cette position ressemble une attitude eucharistique.

On peut aussi remarquer que certains invités ont l’attention tournée vers l’homme qui, debout, présente une cruche. Or celle-ci  est exactement située au centre du tableau. Sans doute, une  manière de faire comprendre au spectateur qu’il s’agit de l’élément le plus important de la composition car l’eau sera changée en vin.

Nous pouvons voir également, à gauche le commanditaire Jean Sedano. Il porte  un manteau orné des emblèmes de la Confrérie : rameaux d’argent entrelacés et gouttes de sang.

Sa femme, à droite, vêtue de noir, porte la coiffe blanche des épouses. Un chapelet sort de la poche de son manteau.  Tous deux, agenouillés, prient.

Une oeuvre centrée sur l’Eucharistie

On peut s’interroger sur l’absence du marié. Or, à cette époque, hommes et femmes ne mangeaient pas à la même table. Dans cette œuvre inspirée par l’évangile des Noces de Cana de Jean et qui est associée à celui de la multiplication des pains, Gérard David a sans doute voulu centrer son œuvre sur le thème de l’Eucharistie. Sur la table est déposé un pain qui se trouve près du Christ. Une pomme posée au milieu des invités rappelle qu’Il est venu sauver les hommes du péché.

 

Le gâteau, amené par le jeune serviteur est une référence à la célébration de la messe au moment de l’offertoire.

Un repas qui célèbre une alliance

Dans cette œuvre, le vin semble absent : les verres sont vides et on ne voit pas le contenu des cruches. On le devine cependant par les objets présents et par la couleur rouge qui domine. Elle rappelle à la fois le vin et le sang du Christ versé pour l’humanité. Ce repas célèbre une alliance, celle de deux époux mais également celle de la Nouvelle Alliance faite par Jésus avec son peuple.

La dévotion Moderna au Pays-Bas

L’ artiste et le commanditaire n’ont pas suivi à la lettre le texte de Jean mais ils en ont proposé une interprétation qui correspond aux idées véhiculées à cette époque par la Dévotion Moderna, mouvement spirituel apparu à la fin du XIVe siècle au Pays-Bas et qui atteignit son apogée au XVe. Il encourageait à s’imprégner de la vie du Christ par la prière et la contemplation afin de mieux vivre sa foi au quotidien. Ce mouvement eut une répercussion sur l’art. On verra alors se multiplier des portraits de personnes en prière ou en méditation.

Un appel à suivre un chemin

Pour conclure, rappelons que St Jean parle de signes « sèmeion ». Le verbe de la même racine est « sèmainô » et il signifie montrer, indiquer. Ce tableau est donc une invitation à découvrir quelque chose par nous-mêmes, à prendre une direction, un chemin. Il nous rappelle que nous sommes engagés à découvrir en nous, par le chemin de la prière et de « l’abaissement » notre nature divine. En effet, comme le rappelle St Jean l’Homme a été créé à l’image de Dieu ; selon Sa Ressemblance [« Jésus leur répliqua : « N’est-il pas écrit dans votre Loi : J’ai dit : Vous êtes des Dieux ? ».

Georgette

* Source : A(rt) Amiens

Pour découvrir d’autres tableaux de Gérard David aller sur le site ci-dessous :

https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-15-16e…/gerard-david.htm

Illustration : Wikimédia Commons – Les Noces de Cana de Gérard David – Collection du Musée du Louvre – Département des peintures – Salle 817 – Auteur : Web Gallery of Art (WGA) – Oeuvre entrant dans le Domaine Public

 

 

 

 

 

 

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