Solennité de St Pierre et Paul : M’ aimes-tu (Jn 21-15-19) (Messe anticipée de la veille au soir)

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Qu’ est ce qu’ une solennité ?

Une solennité est une célébration liturgique ayant le plus haut degré d’importance dans le calendrier de l’ Église catholique romaine.

Pourquoi une messe dite de la veille au soir ?

 Une tradition juive fait primer la lumière sur les ténèbres.

C’ est pourquoi dans l’ antiquité et jusqu’au huitième siècle, deux messe étaient célébrées, à Rome dans la nuit du 28 au 29 juin :

  • L’ une à la basilique Saint-Pierre au Vatican,
  • Et l’ autre à la basilique Saint-Paul.

Puis, après son abandon, la réforme de Jean XXIII, en libérant le 28 Juin la fête de St Irénée, redonna son grade de vigile majeure à celle de Saint Pierre et Saint Paul puisque, comme toutes les solennités, elle inaugure :

  • Un nouveau jour car tous deux, grâce à la profondeur et la ferveur de leur foi, ont annoncé l’ Évangile au-delà des limites d’ Israël.

M’ aimes-tu ?

Dans l’ évangile lu pour la messe de la veille, le Christ Ressuscité, par trois fois, interroge Pierre sur les sentiments qui sont les siens à son sujet.

  • « Pierre m’ aimes-tu ? »

Je me souviens que, dans un livret de préparation à la profession de foi, il était dit au sujet de cette triple interrogation :

  • Qu’ elle  était en lien avec son triple reniement.

Cependant, cette interprétation est imparfaite.

C’ est pourquoi, pour mieux la comprendre, nous pouvons redécouvrir ce que disait le pape Benoît XVI à ce propos.

Les différents sens du verbe aimer

À propos des versets 15 à 17, il faisait remarquer, au cours de l’ Audience du 24 mai 2006, que le verbe aimer est employé de deux manières différentes.

En effet, en grec :

  • le verbe « Filéo »

Exprime l’ amour d’amitié, la tendresse pour quelqu’ un.

Mais cette forme d’ amour n’ est pas inconditionnel alors que :

  • le verbe « Agapáo » signifie aimer à la manière de Dieu.

Autrement dit aimer d’ un amour absolu, sans réserve, total.

C’ est pourquoi, l’ emploi de ces verbes de sens voisin mais précis nous parle de :

  • L’ infinie miséricorde du Christ pour l’ Homme.

Les trois demandes de Jésus

Lorsqu’ il s’ adresse à Pierre, Jésus lui demande la première fois :

  • « Simon …m’ aimes-tu (agapls-me) » de cet amour total et inconditionné ?

Avant l’expérience de la trahison, l’ Apôtre aurait certainement dit :

  • « Je t’ aime (agapô-se) de manière inconditionnelle »

Or, il a connu l’amertume de son infidélité, le drame de sa faiblesse.

Aussi répond-il humblement :

  • « Seigneur, j’ ai beaucoup d’amitié pour toi (filô-se) ».

Autrement dit : « Je t’aime de mon pauvre amour humain ».

Cependant, le Christ insiste :

  • « Simon, m’ aimes-tu de cet amour total que je désire? »

Alors Pierre répète sa réponse, celle de son humble amour humain :

  • « Kyrie, filô-se » – « Seigneur, j’ ai beaucoup d’ amitié pour toi, je t’ aime comme je sais aimer ».

Puis, la troisième fois, Jésus dit seulement  à Simon :

  • « Fileîs-me ? » – « As-tu de l’amitié pour moi ? »

Alors, Simon comprend que son pauvre amour humain, celui dont il est capable malgré ses faiblesses suffit à Jésus,

Cependant, malgré cette certitude, il est attristé que le Seigneur ait dû lui parler ainsi.

Aussi  lui répond-t-il :

« Seigneur, tu sais tout:  tu sais combien j’ ai d’ amitié pour toi » (filô-se) ».

Finalement, il comprend que Jésus :

  • S’ est adapté à lui malgré ses emportements, ses incompréhensions …

Et c’ est ce sentiment d’ être compris et aimé qui lui redonne confiance et espérance.

En effet, lui qui a connu la souffrance de son triple reniement (rappelons-nous qu’ il pleura amèrement après son reniement) se sent aimé malgré tout.

  • Humblement, il comprend que le Christ lui accorde sa confiance et c’ est cette certitude qui le rend capable de Le suivre jusqu’au bout.

Dès lors, c’ est avec cette certitude inébranlable qu’ il sera le bâtisseur de l’  Église.

Un autre te mettra ta ceinture

« … Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’ est un autre qui te mettra ta ceinture … »

Cette phrase rappelle l’ itinéraire de Pierre car mettre soi-même sa ceinture équivaut à dire :

  • « Je suis maître de ma destinée, je dispose de ma vie comme je l’ entends ».

Or, malgré son amour sincère pour Jésus, ce fut souvent son cas.

En effet, il voulait le servir mais à sa manière, selon ses propres idées, notamment :

  • Selon les attentes de celui qui croît en Lui,
  • Et sur la façon dont Jésus devait se comporter pour être le bon Messie.

Enfin Pierre oublie souvent :

  • Que le propre du disciple est de marcher derrière son maître et non pas de le précéder.

C’ est pourquoi, lorsque Jésus lui dit :

  • « Quand tu seras vieux, tu étendras les mains et c’ est un autre qui te mettra ta ceinture … » (21, 19)

Il faut comprendre que, certes, comme le précise l’ évangéliste, cette parole indique le genre de mort qui sera celle de Pierre.

Et nous savons que celui-ci, sous la persécution de Néron, dû étendre les mains sur la Croix où il fut lié.

Toutefois, Jésus fait ici allusion à une attitude spirituelle car :

  • Étendre les mains, c’ est renoncer à ce que nous avons peut-être de plus cher : la maîtrise sur notre propre existence.

Laisser un autre nous passer la ceinture signifie donc :

  • Remettre la conduite de notre vie entre les mains d’ un Autre, entre les mains de celui que nous appelons : « Le Père et Maître de notre vie  » (Si 23, 1).

Pour conclure 

Ce récit nous indique que nous aussi, malgré nos faiblesses, nous pouvons suivre le Christ avec nos pauvres capacités d’ amour.

En outre nous savons que le Christ, le Verbe incarné, nous parle de la miséricorde du Père ; celle qui nous est révélée dès l’ Ancien Testament.

Alors méditons ces paroles d’ Isaïe :

  • « Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi, les fleuves ne te submergeront pas. Quand tu marcheras au milieu du feu, tu ne te brûleras pas, la flamme ne te consumera pas… parce que tu as du prix à mes yeux … » (Is 43, 2 et 4).

Et avec cette certitude, rappelons nous que l’ expérience de Pierre est :

  • « Celle d’ un homme incapable d’ aimer comme il l’ avait promis, comme il se l’ était juré. »

Toutefois, elle est celle :

  • « De celui qui se sait pardonné, relevé, renouvelé dans la possibilité d’ aimer, de mieux aimer ! »

En conséquence, avec cette certitude, sachons humblement, nous aussi, répondre au Christ :

  • « Oui Seigneur, tu sais que je t’ aime et malgré mes faiblesses, je veux te suivre ».

En définitive puisque l’ Église, à l’image de Pierre, est un peuple de pêcheurs pardonnés.

  • Soyons pour le monde, en toute humilié et dans la vérité, le signe de l’ amour miséricordieux de Dieu.

Georgette

Sources : Audience du pape Benoît XVI du 24 mai 2006 – Homélie Un autre te ceindra … du 26-04-1998 – Les Dominicains de Toulouse (Frère Serge-Thomas Bonino)

Illustrations : Photos Jean-Lucien G. – Image mise en avant : Le Crucifiement de Saint Pierre par Le Caravage. Église Santa Maria del Popolo à Rome – Domaine Public

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