L’ange peintre – Marc Chagall (1887 – 1985)

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Collégiale St Étienne (St Stephan) à Mayence

Moïche Zakharovitch Chagalov naît à Liozna près de Vitebsk en Biélorussie (alors intégrée à l’Empire russe) dans une famille juive très religieuse.

Aussi son œuvre s’inspire-t-elle de la tradition juive, de la vie du shtetl (village juif en Europe de l’Est) et du folklore russe.

Il prendra le nom de Marc Chagall au moment de sa naturalisation Française.

L’ exilé 

Marc Chagall  séjourne à Paris de 1910 à 1913 puis retourne en Russie à cause de la guerre. Il peint des figures spectaculaires de juifs et de rabbins et en 1919, des peintures murales, des décors et des costumes pour le théâtre Juif.

En 1922, à Berlin, il s’initie à la gravure puis revient à Paris en 1923. Il s’y installe avec sa famille.

En 1937, il obtient la nationalité française. A la déclaration de Guerre, il se réfugie à Gordes, en zone libre, mais se trouve finalement obligé de quitter la France occupée en 1941. Il s’installe aux U.S.A.

En 1948, Chagall rentre à Paris, puis achète en 1950, une maison à Vence. C’est là qu’ il commence à diversifier les techniques et travaille la céramique, qu’il pratique à Vallauris, dans le même atelier que Picasso.

Ses relations avec le Père Couturier (prêtre dominicain, artiste et théoricien de l’art qui fut l’un des principaux acteurs du renouveau de l’art sacré en France) l’amènent à participer au programme de l’église Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy (Hte Savoie). Il y crée une grande céramique murale et, pour le baptistère, ses premiers vitraux.

En 1955 débute le projet de décoration des chapelles du Calvaire, à Vence, qui devient ensuite le cycle du Message Biblique.

C’est à St Paul de Vence qu’il continuera à travailler jusqu’à sa mort le 28 mars 1985.

Parvenu à une plus grande sérénité, il empruntera aux paysages de la Méditerranée leur luminosité. De cette lumière naîtra ses thèmes solaires, maritimes ou mythologiques.

La maison bleue

Lozna

Le peintre de la Bible

Après son premier retour en France en 1923, il commence l’illustration de livres commandés par Ambroise Vollard : Les Âmes mortes de Gogol, les Fables de La Fontaine.

En 1930, celui-ci lui commande une série d’illustrations sur la Bible. Avant d’entreprendre ce travail, il ressent la nécessité de comprendre la terre de ses ancêtres et, en 1931, il part pour la Palestine, la Syrie et l’ Égypte.

Cette expérience le bouleverse, à la fois sur le plan plastique et spirituel : « En Orient, dit-il, j’ai trouvé la Bible et une part de moi-même ». Celle-ci est pour lui « la plus grande source de poésie de tous les temps ».

Il exécute alors une quarantaine de gouaches préparatoires aux eaux-fortes qui seront insérées au sein de la Bible de Genève.

Le choix des sujets montre une parfaite connaissance du texte biblique. Cent cinq gravures représentent des scènes-clés de l’Ancien Testament avec une prédilection pour les prophètes et les patriarches ainsi que les guerriers et les rois.

La crucifixion blanche

En 1938, il peint la crucifixion blanche. Ce tableau qu’affectionne le Pape François rappelle que Jésus est un juif pieux ancré dans la tradition d’Israël.

En effet, dans le ciel, des vieillards à longue barbe, la tête couverte et une femme voilée veillent sur le crucifié. Ils représentent soit des juifs pieux ou bien Abraham, Isaac et Jacob ainsi que Rachel l’épouse de Jacob. Jésus, quant à lui, porte un châle juif (talith) autour de la taille. Au pied de la croix figure une ménorah (le chandelier à sept branches) et l’inscription au dessus de sa tête est écrite en latin et en hébreu.

Certes, cette œuvre montre la souffrance du Christ. Toutefois, de nombreux détails de la toile ( synagogue en flamme reconnaissable à son portail, objets sacrés gisant au sol, maisons en flamme, un homme portant un écriteau, un personnage qui emporte des rouleaux sacrés, un juif avec un sac sur le dos et à ses pieds une Torah qui brûle ainsi qu’ une femme berçant son enfant en pleurant) dénoncent les humiliations infligées aux juifs.

Toutes ses crucifixions intègrent donc des scènes (exode, persécutions, villages en flammes) de la guerre qui dévaste l’Europe.

Ses vitraux

Outre la peinture sur toile, Chagall pratiqua la gravure, la sculpture, la poésie ainsi que la peinture sur émail et sur vitrail.

En 1959, il peint ses premiers vitraux pour la cathédrale Saint Étienne de Metz. Puis il dessine ceux de l’église paroissiale Saint Étienne de Mayence (Allemagne). Ceux-ci sont censés être un signe de solidarité judéo-chrétienne et de compréhension internationale.

Nous lui devons aussi de nombreux autres vitraux, notamment ceux de la cathédrale de Reims et ceux de la synagogue du centre médical Hadassah à Jérusalem…

    

Cathédrale de Reims

     

 Vitrail  Reims                                    Église de Tudeley (Angleterre)

Synagogue de l’Hôpital Hadassah à Jérusalem

Le musée national du Message biblique

Au début des années cinquante, Chagall commence à travailler sur le Message Biblique afin de rendre vie à la Chapelle du Calvaire, à Vence, où il vit entre 1949 et 1966.

Toutefois, avec l’avancement du travail, il choisit, en 1966, de l’offrir à l’ État Français car il désire ainsi faire ressortir l’universalité du Message Biblique.

En 1969, le ministre de la Culture, André Malraux, décide la construction d’un musée pour conserver le Message Biblique après sa donation à l’ État. Celle-ci débute en 1970 sur un vaste terrain, offert par la ville de Nice.

Chagall suit avec intérêt le projet : c’est lui qui demande qu’un auditorium fasse partie des salles prévues. Il souhaite également enrichir le bâtiment en ajoutant, à l’auditorium, des vitraux et une mosaïque.

En 1973, le musée national du Message Biblique (aujourd’hui appelé le musée National Marc Chagall ) est inauguré en sa présence. André Malraux et Maurice Druon (ministre de la culture de l’époque ) sont également présents.

Jeter un pont entre les deux religions du livre

Bien que né dans une famille juive pratiquante, Marc Chagall fut envoyé par sa mère dans une école chrétienne. De son enfance, il garda une grande admiration pour les icônes anciennes et s’en imprégna.

Attaché aux traditions juives, les objets cultuels du judaïsme sont très présents dans son œuvre (ménorah, le rouleau de la Torah, le talith, le schofar, les Tables de la Loi…). La représentation de Dieu posa problème au peintre puisque sa religion interdit de Le figurer. Il contourna cette difficulté en créant, pour le représenter, des images sobres : Tétragramme, cercles lumineux, mains, anges. La figure de Moïse et l’Exode reviendront constamment tout au long de sa carrière.

Après son installation en France en 1923, il fréquente surtout des amis et artistes chrétiens.

Certes, ses crucifixions indiquent la souffrance du Christ. Toutefois, elles trahissent ses émotions et son angoisse face au nazisme. Elles deviennent le symbole de la souffrance universelle des hommes face aux conflits.

En outre, par ses représentations du Christ en croix paré du Talith, il désire jeter un pont entre les deux religions du Livre.

Pour conclure

L’art fut pour Chagall le moyen d’aborder la question du rapport à Dieu, du sacré. Son œuvre met en valeur les relations entre l’Homme et Dieu.

C’est sans doute pourquoi il fut surnommé l’ange peintre puisque le mot « ange » du grec « ággelos » signifie messager.  De nombreux animaux, aux regards et postures humaines peuplent son l’univers. Cette représentation traduit son désir d’harmonie entre les hommes et la nature créés par Dieu car, dans la spiritualité hassidique, l’animal est une parcelle du divin.

Les nombreuses commandes pour la décoration d’églises, de synagogues et de temples témoignent de la dimension spirituelle de son œuvre. Le père Couturier, qui le premier l’incita au travail de vitrailliste, déclara à son sujet: « Chagall n’est pas un explorateur des bas-fonds de l’âme : c’est un arbre aux racines profondes dont les fruits ont la couleur du Soleil ».

André Malraux, quant-à-lui écrira : « Sur les toiles de l’artiste, le beau et l’universel triomphent comme ultime échappatoire ».

Prions pour que cette affirmation éclaire le monde alors que, partout sur notre planète, de nombreux conflits plongent les populations dans la douleur et la précarité.

Georgette

Sources : Wikipédia – Musée National Marc Chagall – Le web pédagogique –

Illustrations : Les  deux tableaux  Wikimédia Commons  Domaine public –   La crucifixion blanche : Académie de Paris – dossier pédagogique HdA 3eme

Vitrail : Cathédrale de Reims Pikist : Domine Publicles autres vitraux Pxhere –  Domaine Public  et  GNU Free Documentation

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