Homélie du 6ème dimanche du Temps ordinaire

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Pape François, Loué sois-tu [Laudato Si’], n.204 :

« La situation actuelle du monde « engendre un sentiment de précarité et d’insécurité qui, à son tour, nourrit des formes d’égoïsme collectif ». Quand les personnes deviennent autoréférentielles et s’isolent dans leur propre conscience, elles accroissent leur voracité.En effet, plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer. Dans ce contexte, il ne semble pas possible qu’une personne accepte que la réalité lui fixe des limites. […] C’est pourquoi nous ne pensons pas seulement à l’éventualité de terribles phénomènes climatiques ou à de grands désastres naturels, mais aussi aux catastrophes dérivant de crises sociales, parce que l’obsession d’un style de vie consumériste ne pourra que provoquer violence et destruction réciproque, surtout quand seul un petit nombre peut se le permettre. »

 

Il est question ici du style de vie de nos sociétés, qui manifeste un dérèglement du désir.C’est l’une des causes spirituelles de la grave crise sociale que nous vivons en France, et en Occident en général, comme le prévoyait de manière assez prophétique le Pape François dans cette encyclique écrite en 2015.

 

Désirer est quelque chose de positif, dans la Bible : désirer se rassasier, désirer retrouver des amis ou une personne aimée, désirer voir Dieu.

 

Mais le désir peut se dérègler et mener à la « convoitise » : on désire trop, on désire tout.Cela s’exprime dans différents domaines de la vie humaine, en particulier dans le rapport à l’argent et aux biens matériels : alors cette convoitise s’appelle la « cupidité », qui pousse à posséder toujours davantage. Les prophètes de l’ancienne Alliance, comme le Christ, dénoncent ce désir excessif, car cette volonté de puissance s’exerce souvent par la violence, au détriment d’autrui : désirer davantage conduit au bout du compte à tuer l’autre, à tuer la relation, à supprimer le pauvre d’une manière ou d’une autre. Cette convoitise est le signe d’une vie sans Dieu. Elle est une idolâtrie.

 

Les textes de la première lecture et du Psaume nous l’affirment : « Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur. » Et nous, où place-t-on vraiment notre confiance, notre foi, c’est-à-dire, notre désir profond ?

 

L’Evangile, qui présente le premier discours public de Jésus adressé à tous, commence par ces mots : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. » Les « pauvres », les anawimde la tradition biblique, ne sont pas d’abord les pauvres matériellement, mais les humbles, ceux qui « n’ont pas le cœur fier », ceux qui acceptent d’être dans une situation de dépendance vis-à-vis de Dieu et des autres.C’est le contraire de l’auto-suffisance.

 

Notre mode de vie actuel est en contradiction avec cette parole de Jésus. Le Christ nous interroge sur notre désir, sur nos désirs, qui courent le risque de l’excitation permanente et menacent sans cesse de tomber dans la convoitise et la cupidité, le désir excessif et totalitaire.

Il nous faut entrer en nous-mêmes et nous interroger courageusement : De quoi / de qui avons-nous vraiment besoin ? Quel désir est plus fondamental, plus essentiel, plus vivifiant, que tous les rêves finalement décevants imposés par la société ?

 

Le Pape François nous appelle ainsi à un véritable « changement dans les styles de vie », pour réfréner nos appétits et apprendre à vivre une vraie « sobriété », y compris au plan matériel.Cet effort de retour sur nous-mêmes nous permettra de retrouver le désir de Dieu, qui est au fondement de la vie humaine.

 

Nous finissons donc dans l’espérance, en citant le paragraphe de l’encyclique Laudato Si’qui suit directement celui que nous avons cité en introduction (n.205) :

« Cependant, tout n’est pas perdu, parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer, au-delà de tous les conditionnements mentaux et sociaux qu’on leur impose. Ils sont capables de se regarder eux-mêmes avec honnêteté, de révéler au grand jour leur propre dégoût et d’initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté. »

Père Edouard George

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