Homélie du 14 septembre

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La Croix Glorieuse

Nb 21,4-9; Ps 77; Ph 2,6-11; Jn 3,13-17

  • La première lecture, le récit du livre des Nombres que nous avons entendu est bien curieux, voire un peu choquant.
  • On pourrait se dire en effet qu’il est assez logique que le peuple se lasse de 40 ans de vie au désert, nourri tous les jours de la même
    manière, même si c’est de façon miraculeuse ! Et il peut nous sembler surprenant que le Dieu de miséricorde auquel nous croyons
    les punisse en leur envoyant des serpents à cause de cela. Que dire aussi de ce serpent de bronze qu’il leur faut regarder pour ne pas
    mourir, qui fait tout même étonnamment penser à des croyances païennes (et en particulier au dieu grec Esculape) ?
  • Mais en fait, la récrimination du peuple contre Dieu, ce n’est pas rien : c’est l’expression du rejet de Dieu et de sa volonté.
  • Nous sommes tous capables de nous plaindre de ce qui nous arrive de pénible, de la lourdeur de la vie, surtout de ce qui dure.
  • Pendant 40 ans, c’est-à-dire le temps d’une génération, le peuple d’Israël a dû apprendre à vivre de Dieu seul au jour le jour, sans
    faire de réserve dans le désert du Sinaï.
  • La manne, c’est la nourriture unique que Dieu lui donnait chaque jour, le pain quotidien d’une vie qui lui est finalement apparue
    monotone, fade.
  • Après la nouveauté enthousiasmante du miracle, il lui a fallu tenir sur la durée, dans la fidélité à ce don de Dieu qui lui rappelait
    sans cesse qu’il reçoit sa vie de lui, chaque jour, sans pouvoir jamais « mettre la main » dessus.
  • Et nous comprenons par-là que la fidélité à Dieu est indissociable d’une forme de simplicité de vie.
  • Dans le désert, il n’y avait pas de divertissements comme dans le monde ni de nourriture variée comme en Egypte.
  • Mais en Egypte, ils étaient aussi esclaves !
  • En réalité, lorsque l’homme est en manque de nouveauté, insatisfait de ce qu’il a et qui suffit pourtant à sa vie, c’est toujours le
    signe qu’il ne reçoit pas sa vie de Dieu.
  • « Nous sommes dégoûtés de cette nourriture misérable ! », dit le peuple d’Israël au désert, ce qui est bien le signe qu’il ne se situe
    pas sur le bon plan.
  • Car la nourriture que Dieu donne est unique, oui, mais elle n’est en rien monotone.
  • Dieu n’est pas naturel mais surnaturel si bien que seul celui qui se situe sur ce plan surnaturel peut recevoir comme il convient la
    nourriture que Dieu lui donne.
  • Il peut, lui, en découvrir la richesse infinie et ne jamais s’en lasser. Il ne peut pas en être dégouté car elle est divine !
  • Plus que quiconque nous connaissons cette question, nous qui, pour beaucoup, avons accès à une nourriture sans aucun intérêt sur le
    plan gustatif, une petite hostie qui ressemble à peine à du pain mais qui contient pourtant la vie divine elle-même.
  • Celui qui ne la reçoit pas de façon surnaturelle aura vite fait de s’en lasser lui aussi, à moins qu’il ne soit tenu par une démarche
    devenue chez lui systématique (ce qui concerne bien peu les jeunes générations).
  • Dans le prolongement du livre du Deutéronome dans lequel Dieu dit à son peuple : « voilà quarante ans que le Seigneur ton Dieu
    est avec toi, et tu n’as jamais manqué de rien » (Dt 2,7), la tradition juive dit, elle, que la manne avait tous les goûts !
  • A cette lumière nous comprenons que les serpents qui mordent le peuple au désert sont l’expression symbolique du péché du peuple
    qui rejette Dieu et qui devient par là la proie du tentateur, le serpent des origines, lui qui entraine l’homme dans la mort.
  • Dieu qui respecte la liberté des hommes le livre à son bon vouloir.
  • Ne pas vouloir des exigences de la liberté, c’est revenir à l’esclavage du monde. Ne pas vivre dans la confiance en Dieu, c’est
    consentir à écouter le tentateur qui nous conduit à notre perte.
  • D’ailleurs le peuple d’Israël ne s’y trompe pas : « nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi », dit-il à Moïse.
    Et son retour à Dieu lui vaut aussitôt de pouvoir retrouver la vie.
    o Et derrière son aspect un peu curieux au premier abord, le moyen que Dieu lui propose pour cela est en réalité très fin.
  • Ce serpent de bronze que Moïse doit placer sur un mat est la figure du péché des hommes mais un péché devenu inoffensif.
  • Moïse est appelé par Dieu à exposer le mal au regard du pécheur pour qu’il le reconnaisse et qu’il y renonce.
  • Car il n’y a pas de réconciliation possible avec Dieu sans contrition de la part du pécheur.
  • Tous les convertis doivent découvrir ce qui dans leur vie est contraire à Dieu pour le rejeter.
    o Malheureusement, cette œuvre de vérité nous est bien difficile.
  • Il nous faut généralement subir les conséquences douloureuses de nos fautes pour en découvrir la nature, un peu comme une maladie
    ne se découvre habituellement que lorsqu’on a mal quelque part !
  • « Quand Dieu les frappait, ils le cherchaient », dit le psaume car il est à craindre que l’homme ne le cherche pas s’il n’y est pas
    contraint.
  • Mais la manière qu’a Dieu de frapper les hommes consiste surtout à laisser les hommes subir les conséquences de leurs actes
    puisque Dieu est le maître des lois de ce monde. Les transgresser, c’est s’exposer par là même à des conséquences voulues par Dieu,
    comme un poisson qui sort de l’eau mourra inévitablement.
  • Dieu qui ne veut pas le mal s’en sert donc pour notre bien, comme des parents peuvent laisser un enfant apprendre de ses erreurs et
    devenir capable de leur faire plus confiance à l’avenir.
    o Mais ce n’est qu’avec le Christ Jésus que nous découvrons ce que figurait vraiment ce mystérieux serpent de bronze.
  • Comme il le dit à Nicodème, « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de
    l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».
  • Il nous appelle à voir en lui l’expression aboutie de ce serpent que le peuple devait regarder pour « rester en vie », pour être sauvé
    de la mort causée par le péché, et cela, surtout lorsqu’il sera lui-même élevé sur la croix.
  • Pourquoi cela ? Parce que Jésus est mis à mort par notre péché, si bien que celui qui le regarde en croix avec les yeux de la foi peut
    voir en lui ce qu’est réellement le péché : la mise à mort du Fils de Dieu, le rejet de Dieu !
  • Sur la croix, nous voyons ce que fait réellement l’homme lorsqu’il décide de faire sans Dieu, contre sa volonté, lorsqu’il pêche.
  • La croix, c’est l’expression concrète, manifeste, de ce rejet de Dieu : « nous ne voulons pas de ta Parole, de tes commandements, de
    ton autorité, nous ne voulons pas de toi dans notre vie ».
  • Celui qui comprend que cet acte de mise à mort est le sien, et non seulement celui de ceux qui ont concrètement tué Jésus il y a 2000
    ans, peut reconnaître le drame de son péché et entrer dans le repentir. Il devient par-là disponible pour le pardon de Dieu que Jésus
    nous a offert en assumant dans l’amour ce rejet radical.
  • Il voit que le péché, son propre péché a été pleinement assumé par Jésus et qu’il l’a emporté dans la mort. Il voit en Jésus que le
    serpent a été mis à mort, qu’il est devenu inoffensif sur cette croix. Par-là, il peut accéder au salut et il comprend pourquoi la croix
    de Jésus, cet instrument de supplice atroce, peut désormais être appelé « glorieuse » !