Ecouter la voix de cette terre ( słuchać głosu ziemi oświęcimskiej )

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Le lendemain de notre arrivée en Pologne, nous visitions le célèbre monastère de Jasna Gora à Czestochowa. Puis, après le déjeuner, nous prenions la route pour Oświęcim.

Une ville polonaise qui devint Auschwitz

Oświęcim fut occupée et incorporée de 1939 à 1945 au Reich allemand. C’est là que le système de camp de concentration et d’extermination totale fut mis en place.

La visite du complexe d’Auschwitz-Birkenau doit se préparer.

Sinon nous n’en verrions que les tristes bâtiments, des effets des victimes ( valises, chaussures …) et les traces de ce qui fut une monstrueuse organisation d’extermination totale.

Nous ne pourrions alors que nous appesantir sur  ce terrible mal qu’est la déshumanisation.

Ecouter la voix de cette terre

Or, dans cet endroit de terribles souffrances, il faut apprendre à y « voir » autre chose.

Une expression polonaise dit : « écouter la voix de cette terre (słuchać głosu ziemi oświęcimskiej ».

Alors, pour entendre ce que nous dit cette terre d’Auschwitz et pour comprendre le message qu’elle nous délivre, la visite doit se préparer.

Sinon, nous ne pourrions découvrir ce qui contribue, malgré tout, à en faire une terre d’espérance..

Notre rencontre avec le père Manfred

Pour y parvenir nous avons rencontré le père Manfred Desalears (prêtre allemand), responsable du centre de dialogue et de prière d’Oswiecim dont le but est de favoriser :

  •  La réconciliation, le respect mutuel, le dialogue pour construire un monde de paix.

Créé en 1992, le centre se situe non loin des camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.

Le témoignage du père Manfred se ponctue de silences qui nous permettent d’assimiler ce qu’il nous dit.

Dieu devait mourir dans ce camp

Le 28 mai 2006, le pape Benoît XVI, méditant sur une stèle du camp écrite en hébreu, rappelait la dimension quasi théologique du projet nazi d’extermination : « Au fond, ces criminels violents, au moyen de l’anéantissement de ce peuple, entendaient tuer ce Dieu qui appela Abraham, et qui, parlant sur le Sinaï, établit les critères d’orientation de l’humanité, qui demeurent éternellement valables. Si ce peuple, par le seul fait d’exister, témoigne de ce Dieu qui a parlé à l’homme et qui l’a pris en charge, alors ce Dieu devait finalement mourir et son pouvoir n’appartenir qu’à l’homme – à ceux qui se considéraient comme les puissants et qui avaient su devenir les maîtres du monde ».

Où donc est Dieu ?

Eliezer (Elie Wiesel) assiste régulièrement, avec les autres détenus, à des exécutions. Les SS forcent les détenus à défiler devant les condamnés qui viennent d’être pendus et à les regarder. Un jour, parmi ces condamnés se trouve un garçon de 12 ans. Trop léger pour mourir sur le coup, il agonise plus d’une demi-heure au bout de la corde.

Un détenu interroge alors : « Où donc est Dieu ? ».

A Auschwitz  était-il encore présent ou bien absent, indifférent  ?

La confrontation au mal et à l’injustice suscita toujours les interrogations et parfois la révolte des croyants, surtout de la part de ceux dont le Dieu est dit juste et miséricordieux.

Dans la Bible, le livre de Job tente de répondre à cette interpellation. 

Défendre jusqu’au bout ce Dieu qui vit en nous

 Le philosophe allemand Hans Jonas écrivit ceci :

«  Si Dieu, d’une certaine manière et à un certain degré, doit être intelligible, alors il faut que sa bonté soit compatible avec l’existence du mal, et il en va ainsi seulement s’il n’est pas tout-puissant. C’est alors seulement que nous pouvons maintenir qu’il est compréhensible et bon, malgré le mal qu’il y a dans le monde ».

Et il précisa que c’est au moment de la création du monde que Dieu aurait donné sa toute-puissance.

Ce qui revient à dire que c’est les Hommes qui doivent aider Dieu.

C’ est d’ailleurs le message que nous transmet Etty Hillesum (1914-1943), qui mourut à Auschwitz.

Elle s’adresse à Dieu en ces termes : « … Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous… » ( prière du dimanche 12 juillet 1942, texte extrait d’Une vie bouleversée ).

A Auschwitz Dieu, malgré tout, était là

Malgré l’horreur et son apparente absence, Dieu cependant était là, insiste le père Manfred.

Dieu était présent dans la dignité de Ses enfants, dans l’entraide et dans des actes héroïques tels que ceux de Maximilien Kolbe qui prit, malgré sa peur de la souffrance, la place d’un prisonnier qui venait d’être condamné à mort.

Il l’était aussi dans celui qui accepta cet échange ainsi que dans tous ceux qui, dans cet « enfer » éprouvèrent de la pitié ou se révoltèrent contre l’avilissement et l’éloignement de tout sentiment humain nous fit remarquer le père Manfred.

Des textes qui nous parlent non pas de haine mais de grâces

Nous pouvons également découvrir la présence de Dieu dans des textes écrits dans les camps.

Ils nous parlent de grâces et non de haine.

Méditons-en quelques extraits :

« J’ai moi-même peur de la souffrance et de l’humiliation mais je me rassure, en pensant que, même Jésus, dans le Jardin des Oliviers, n’a pas éprouvé un sentiment différent. Les grâces viennent au moment où nous en avons besoin ! » (Maximilien Kolbe)

« La haine farouche que nous avons des Allemands verse un poison dans nos cœurs… rien n’est pire que la haine globale, indifférenciée. C’est une maladie de l’âme. La haine n’est pas dans ma nature »(Une vie bouleversée).

Favoriser une éducation à la paix

Aujourd’hui, le monde est toujours confronté au mal !

En effet, le nombre de pays en proie à des conflits violents, avec leur cortège d’exactions, atteint un niveau impressionnant.

La violence urbaine, quant à elle, fait de nombreuses victimes.

L’ éducation à la paix dans le cercle familial, les institutions, les lieux de rencontres et de vie est donc une urgence.

Celle-ci apprend les comportements indispensables pour vivre une vie en harmonie avec soi-même et les autres.

Pour conclure

La présence de nombreux jeunes dans le centre de dialogue est un signe d’espoir.

Elle confirme les propos du pape Benoît XVI à Auschwitz :

«  … nous devons continuer à élever vers Dieu ce cri humble mais persistant :  Réveille-toi ! N’oublie pas ta créature, l’homme ! Et notre cri vers Dieu doit être en même temps un cri qui pénètre notre  cœur lui-même, afin que s’éveille en nous la présence cachée de Dieu – afin que la force qu’il a déposée dans nos cœurs ne soit pas recouverte et étouffée, en nous, par la boue de l’égoïsme, de la peur des hommes, de l’indifférence et de l’opportunisme ».

A notre arrivée à Oświęcim, le temps était gris et pluvieux.

Mais, au moment de reprendre le car pour nous diriger vers Cracovie, le ciel se dégageait et un rayon de soleil apparaissait.

Il semblait nous inviter à méditer ces phrases d’Etty Hillesum :

«   à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devrons opposer un petit supplément d’amour et de bonté à conquérir sur nous-mêmes. Nous avons le droit de souffrir, mais non de succomber à la souffrance ».

Georgette

 

Sources : Aleteia – La vie (Dieu est mort à Auschwitz) –

                  Fiche pédagogique n° 2-8, J.M.J de Cracovie – D

                  Discours du Pape Benoit XVI à Auschwitz Birkenau du 28-05-2006

Illustrations : Photos des pèlerins et parcours du père Manfred.

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