Extraits du discours du Pape François dans la plaine d’Ur en Irak

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Nous vous invitons à découvrir quelques extraits du discours du pape François.  Fait en présence des représentants des religions monothéistes dans la plaine d’Ur, il y lance un appel fort et exigeant.

Regarder le ciel et marcher sur la terre

Ce lieu béni nous reporte aux origines, aux sources de l’œuvre de Dieu, à la naissance de nos religions. Ici, où vécut Abraham, notre père …  C’est ici qu’il entendit l’appel de Dieu et partit pour un voyage qui devait changer l’histoire. Nous sommes le fruit de cet appel… Dieu demanda à Abraham de lever les yeux vers le ciel et d’y compter les étoiles (cf Gn 15, 5). Dans ces étoiles, il vit la promesse de sa postérité, il nous vit. Et aujourd’hui, nous, juifs, chrétiens et musulmans, avec nos frères et sœurs d’autres religions, nous honorons notre père Abraham en faisant comme lui : nous regardons le ciel et nous marchons sur la terre.

Suivre un chemin d’exigence qui nous élève vers Dieu

En contemplant, après des millénaires, le même ciel, les mêmes étoiles apparaissent. Elles illuminent les nuits les plus obscures parce qu’elles brillent ensemble. Le ciel nous livre ainsi un message d’unité : le Très-Haut, au-dessus de nous, nous invite à ne jamais nous séparer du frère qui est à côté de nous … Si nous voulons préserver la fraternité, nous ne devons pas perdre de vue le ciel… Nous, descendance d’Abraham et représentants de diverses religions, nous sentons avoir avant tout ce rôle : aider nos frères et sœurs à élever le regard et la prière vers le ciel… L’homme n’est pas tout-puissant, il ne peut pas s’en sortir tout seul… Mais les biens du monde, qui font que beaucoup oublient Dieu et les autres, ne sont pas le motif de notre voyage sur la Terre. Nous levons les yeux vers le ciel pour nous élever des bassesses de la vanité ; nous servons Dieu afin de sortir de l’esclavage du moi, parce qu »il  nous pousse à aimer. Voici la vraie religiosité : l’adorer et aimer le prochain.

Haïr son frère c’est profaner le nom de Dieu

De ce lieu source de foi, de la terre de notre père Abraham, nous affirmons que Dieu est miséricordieux et que l’offense la plus blasphématoire est de profaner son nom en haïssant le frère. Hostilité, extrémisme et violence ne naissent pas d’une âme religieuse : ce sont des trahisons de la religion… Ne permettons pas que la lumière du Ciel soit couverte par les nuages de la haine ! … Aujourd’hui nous prions pour que la liberté de la  conscience et la liberté religieuse soient respectées et reconnues partout : ce sont des droits fondamentaux parce qu’ils rendent l’homme libre de contempler le Ciel pour lequel il a été créé… Dieu aime chaque peuple, chacune de ses filles et chacun de ses fils ! Ne nous lassons donc jamais de regarder le ciel, de regarder ces étoiles, les mêmes que, en son temps, notre père Abraham regarda.

Apprendre à accueillir l’amour infini de Dieu et voir dans les autres des frères

Les yeux levés au ciel ne détournèrent pas, mais encouragèrent Abraham à marcher sur la terre, à entreprendre un voyage qui, à travers sa descendance, devait toucher chaque siècle et chaque latitude. Mais tout commença ici, avec le Seigneur qui “ le fit sortir d’Ur ” (cf. Gn 15, 7). Son chemin fut donc un chemin en sortie, qui exigea des sacrifices… Mais, en renonçant à sa famille, il devint père d’une famille de peuples.

Il nous arrive aussi quelque chose de semblable  … nous sommes appelés à laisser ces liens et ces attachements qui, en nous enfermant dans nos groupes, nous empêchent d’accueillir l’amour infini de Dieu et de voir dans les autres des frères. Oui, nous avons besoin de sortir de nous-mêmes, parce que nous avons besoin les uns des autres.  La pandémie nous a fait comprendre que « personne ne se sauve tout seul » ( Fratelli tutti , n. 54 ). Pourtant, la tentation de prendre des distances par rapport aux autres revient souvent … Dans les tempêtes que nous sommes en train de traverser, l’isolement ne nous sauvera pas. La course pour renforcer les armements et pour ériger des murs nous rendront, au contraire, toujours plus distants et fâchés. Il en est  de même pour l’ idolâtrie de l’argent, qui enferme sur soi et provoque des gouffres d’inégalités ainsi que pour le  consumérisme qui anesthésie l’esprit et paralyse le cœur.

La voie que le ciel nous indique est celle de la paix

La voie que le Ciel indique à notre marche est autre, c’est celle de la paix Il est indigne, alors que nous sommes tous éprouvés par la crise pandémique, et surtout ici où les conflits ont causé tant de misère, que l’on pense avidement à ses propres affaires. Il n’y aura pas de paix sans partage et accueil, sans une justice qui assure équité et promotion pour tous, à commencer par les plus faibles et sans des peuples qui tendent la main à d’autres peuples La paix n’exige ni vainqueurs ni vaincus, mais des frères et des sœurs qui, malgré les incompréhensions et les blessures du passé, cheminent du conflit à l’unité. Demandons-le dans la prière pour tout le Moyen-Orient, je pense en particulier à la Syrie voisine, martyrisée.

Le patriarche Abraham, qui nous rassemble aujourd’hui dans l’unité, fut un prophète du Très-Haut. Une ancienne prophétie dit que les peuples, « de leurs épées, forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles » (Is 2, 4). Elle  ne s’est pas réalisée ; au contraire elles sont devenues missiles et bombes. D’où le chemin de la paix peut-il alors commencer ? Du renoncement à avoir des ennemis. Celui qui a le courage de regarder les étoiles, celui qui croit en Dieu, n’a pas d’ennemis à combattre. Le seul à affronter, qui se tient à la porte du cœur et frappe pour entrer : c’est l’inimitié… Celui qui regarde les étoiles des promesses et  qui suit les voies de Dieu ne peut pas être contre quelqu’un, mais pour tous.

Avec l’aide de Dieu, nous pouvons tout.

Chers amis, tout cela est-il possible ? Le père Abraham, qui a su espérer contre toute espérance (cf. Rm 4, 18) nous encourage. Au cours de l’histoire, nous avons souvent poursuivi des buts trop terrestres et nous avons cheminé chacun pour son propre compte ; mais avec l’aide de Dieu nous pouvons changer en mieux. Il nous revient, humanité d’aujourd’hui, et surtout à nous, croyants de toute religion, de convertir les instruments de haine en instruments de paix ; d’exhorter avec force les responsables des nations afin que la prolifération croissante des armes cède le pas à la distribution de nourriture pour tous et de réduire au silence les accusations réciproques pour donner une voix au cri des opprimés et des rejetés sur la planète  … Nous devons rappeler au monde que la vie humaine vaut pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle a et que les vies des enfants à naître, des personnes âgées, des migrants, des hommes et des femmes de toutes couleurs et nationalités sont toujours sacrées…! Il nous revient d’avoir le courage de lever les yeux et de regarder les étoiles, celles que notre père Abraham a vues, les étoiles de la promesse.

Nous devons éduquer les jeunes à la fraternité et leur apprendre à regarder les étoiles

Le chemin d’Abraham fut une bénédiction de paix. Mais ce ne fut pas facile : il dut affronter des luttes et des imprévus. Nous aussi, nous avons devant nous un chemin accidenté, mais nous avons besoin, comme le grand patriarche, de faire des pas concrets, de pérégriner à la découverte du visage de l’autre, de partager des souvenirs, des regards et des silences, des histoires et des expériences… Pour aller de l’avant, nous avons besoin de faire ensemble quelque chose de bon et de concret. Telle est la voie, surtout pour les jeunes … Il est urgent de les éduquer à la fraternité, de les éduquer à regarder les étoiles. Ils sont  notre présent et notre avenir ! C’est seulement avec les autres qu’on peut soigner les blessures du passé…Combien de personnes ici, dans le silence et dans le désintérêt du monde, ont entamé des chemins de fraternité …

Ce fut précisément à travers l’ hospitalité, trait distinctif de ces terres, qu’ Abraham reçut la visite de Dieu et le don désormais inespéré d’un fils (cf. Gn 18, 1-10). Nous, frères et sœurs de diverses religions, nous nous sommes retrouvés ici, à la maison… Ensemble, nous voulons nous engager afin que se réalise le rêve de Dieu : que la famille humaine devienne hospitalière et accueillante envers tous ses fils et qu’en regardant le même ciel, elle chemine dans la paix sur la même terre.

Georgette

Source : Site du Vatican

Illustration : Dessin d’Emma – MP3

 

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