Quand la lumière jaillit dans la nuit

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Je l’avoue, le jeudi 29 Octobre, après la décapitation de Samuel Paty le 16 Octobre, l’annonce du reconfinement et dans la matinée, la nouvelle des meurtres perpétrés contre des croyants venus prier dans la Basilique Notre Dame de l’Assomption m’a, comme vous, profondément choquée. Cette journée a été douloureuse et sombre.

 

Dès le lendemain, la petite flamme de l’espérance, bien qu’encore faible, a ressurgi. Samedi soir, après la messe anticipée de la Toussaint, elle a recommencé à briller car, comme le soulignait Mgr de Moulins-Beaufort dans un entretien au Journal la Croix : « Nous avons entendu de manière providentielle les Béatitudes : elles résonnent comme un appel à demander la grâce de Dieu pour transformer notre colère et notre peur en une énergie pour un bien meilleur… ». * Dans cet évangile, le mot hébreux « ashar » que l’on traduit communément par heureux, a retenti neuf fois. Mais il ne se limite pas à ce mot ni à celui de « bien-heureux » car il contient l’idée de marcher, d’avancer, d’aller de l’avant. C’est donc une vision très dynamique du bonheur. Est heureux celui qui avance, celui qui et en marche. La lecture du beau message accompagnant le bouquet de fleur déposé devant l’autel de notre église de St-Gratien par le Père Alexandre a réchauffé nos cœurs. Le lendemain matin, dimanche 1er novembre, j’ai découvert le mail d’une voisine musulmane. Elle nous y disait ceci : « A l’heure où certains hommes s’évertuent à créer un fossé entre les croyants, à propager la haine où il ne devrait n’y avoir qu’amour, rappelons que nous sommes tous choqués et peinés par ces actes odieux qui ne sont pas des actes dictés par la religion mais par la folie d’hommes en mal d’exister ». Le 02 Novembre, jour de la commémoration des fidèles défunts, nous en avons reçu un autre : [« Je suis tellement désolée de ce qui s’est passé, mes pensées vont aux familles des victimes ainsi qu’à toutes les personnes de la Terre. Je ressens de la colère mêlée de tristesse. Quand je vois tout ce qui se passe au nom de la religion, c’est inacceptable et inhumain … Voici le texte que j’ai publié sur ma page Facebook : Le Messager ne vous a pas dit : « Tuez en mon nom ». Il ne vous a pas appris à massacrer un autre être humain au nom de notre religion. Il ne vous a pas demandé de déformer ses enseignements au nom de ses hadiths. Il ne vous a pas invité à répandre la terreur. Il ne vous a pas ordonné d’aller à la guerre au nom de son dieu. Dieu est ; Il est le Dieu de toutes les religions… Le terrorisme n’a pas de religion. Les fanatiques n’ont pas de religion. C’est triste et frustrant quand on connaît bien les enseignements du prophète et son message de tolérance, d’amour, de bonté… Quand je fais un don, je ne regarde pas la religion de l’autre, ce n’est pas une condition pour faire le bien. Je le regarde en tant que mon semblable en humanité … Il y a une sourate, entièrement dédiée à Marie, rien que pour Elle. Je ne comprends pas ces actes de violence et de barbarie »]. Personnellement, nous pouvons témoigner de la générosité des familles musulmanes lorsque nous participons à la collecte alimentaire du secours catholique. Elles donnent en nous remerciant de ce que nous faisons et nous assurent de leur prière.

Ces deux témoignages rejoignent les paroles de Mgr Eric de Moulins Beaufort : « Avec les musulmans que nous rencontrons, nous osons croire qu’il est aussi possible que nécessaire de se connaître et de s’estimer, sans partager la même foi ».* Mgr Dominique Lebrun, qui était l’évêque du père Jacques Hamel, a reconnu : « A l’annonce de la tuerie de Nice, je n’avais pas les mots pour appeler les fidèles à la prière, car mon cœur était partagé et sous le choc. C’est finalement l’épître de St Paul, lue pendant la célébration qui m’a aidé : « … Nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les dominateurs de ce monde de ténèbres … Oui, tenez bon… » (Ep 6, 12 et 14) … Il y a un temps pour tout, la colère, le désespoir, le découragement mais nous savons que le temps de Dieu est celui de l’amour plus fort que la haine et la peur. Le désir que nous avons dans le cœur, c’est de vivre dans une fraternité avec tous. Aujourd’hui, nous devons pleurer avec ceux qui pleurent. Il faut prier en laissant vraiment l’Esprit Saint venir éveiller les sentiments les plus profonds qui sont les plus beaux ». **

Malgré notre légitime désarroi, méditons cet extrait d’une prière de Mgr Oscar Romero : « Le Royaume n’est pas seulement au-delà de nos efforts, Il est aussi au-delà de notre vue. Durant notre vie, nous n’accomplissons qu’une petite partie de cette entreprise magnifique qu’est le travail de Dieu. Rien de ce que nous faisons n’est achevé … Aucune déclaration ne dit tout ce qui peut être dit. Aucune prière n’exprime complètement notre foi. Aucune religion n’apporte la perfection … Nous plantons des graines de semence qui un jour pousseront … Nous pouvons ne jamais voir le résultat final … Nous sommes les prophètes du futur et non de nous-mêmes ».

Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu pour ces deux messages et je l’affirme, la petite espérance, même lorsqu’elle vacille au souffle du péché, nous dit et redit sans cesse : « Je vais continuer à briller ! Toujours ! … C’est moi qui vous permets de tenir pendant les moments de tristesse, de découragement. Je suis la lumière qui jaillit, dans la nuit, dans le doute, dans le froid, pour illuminer les terres humaines. Je suis le petit enfant de Bethléem qui sème et qui sème encore, et qui rallume toutes les vies éteintes… Et je serai toujours là ! »

 

Georgette et l’équipe du site internet
Sources : * Entretien avec Mgr de Moulins Beaufort par Arnaud Bevilacqua du 1-11-2020) – ** Entretien avec Mgr Lebrun par Xavier le Normand le 29-10-2020 (Journal la Croix)
Illustration : Image PxHere – CCO Domaine Public

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