Le fin silence de Dieu (1 R. 19, 9a.11-13a)

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En ce 19e dimanche du temps ordinaire, la 1re lecture, d’une façon poétique, nous invite à découvrir l’infinie patience et tendresse de Dieu. Pour mieux en comprendre le sens, il faut nous remémorer le chapitre précédent.

Elie, en serviteur zélé de Dieu, s’était imaginé que Celui qui s’était révélé à Moïse sous le nom de : « Je suis qui je suis »… Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur » … (Ex 3, 14-15), était si puissant que rien ne devait et ne pouvait lui résister. Tous les moyens lui semblaient bons pour parvenir à convertir les habitants du royaume d’Achab qui adoraient Baal (le dieu de tous les Cananéens) et d’autres divinités. Ce culte avait déjà infiltré la vie religieuse de la nation juive avant le roi Achab : « Les fils d’Israël firent ce qui est mal aux yeux du Seigneur. Ils oublièrent le Seigneur, leur Dieu, et ils servirent les Baals et les Ashéras » (Jg 3,7). Pour Elie, le polythéisme était un blasphème. Il remettait en cause l’unicité de Dieu. Pour prouver la primauté de YHWH, convoquant tout le peuple, il avait lancé un défi aux 850 prophètes de Baal et d’Ashera (vénérée comme l’épouse de Baal). Il s’agissait de rallier les habitants du royaume au Dieu qui montrerait sa supériorité. Elie sortit vainqueur de ce duel. Après l’holocauste (sacrifice rituel d’un animal) du Mont Carmel, le peuple a reconnu que la victoire revenait à YHWH : [« Tout le peuple en fut témoin ; les gens tombèrent face contre terre et dirent : « C’est le Seigneur qui est Dieu ! C’est le Seigneur qui est Dieu ! »] (1 R 19, 39). Mais Elie ne s’est pas contenté de sa victoire, il a fait tuer les prophètes : « … Saisissez les prophètes de Baal : que pas un seul ne s’échappe … Il les égorgea ! » (1 R 18, 40). Jézabel, mise au courant des faits par Achab, le menaça de mort. Pour échapper à cette menace, il s’enfuit. Après une marche d’une journée, exténué, il demanda la mort : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères » (1 R 19, 4).

Pourquoi cette demande après sa victoire ? Pourquoi a-t-il perdu le goût de vivre ? Elie ne s’interrogerait-il pas sur le sens de sa mission ? N’aurait-il pas le sentiment d’y avoir failli, prenant conscience que, dans sa solitude, il a agi par orgueil en organisant le concours du Mont Carmel et qu’il a fait preuve de fanatisme en utilisant la violence pour des motifs religieux ? Le Seigneur lui avait seulement demandé d’aller se présenter devant le roi Achab pour lui annoncer que la pluie allait tomber, mettant fin à la sécheresse : « Va te présenter devant Acab ; je vais envoyer la pluie sur la surface du sol » (1 R 18, 1). Il ne lui avait pas donner l’ordre de tuer les prophètes de Baal ! Ne serait-il pas aussi en train de réaliser qu’il ne vaut pas mieux que les anciens, puisque, comme eux, il a exigé de Dieu qu’il opère des prodiges ?

Après avoir respecté sa détresse, le Seigneur lui envoie un ange qui, pendant quarante jours et quarante nuits va l’accompagner jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. Au cours de sa longue marche dans le désert, Elie a pu réfléchir et convertir son cœur. Mais, arrivé au but, en se réfugiant dans une grotte pour y passer la nuit, il se replie à nouveau sur lui, s’éloignant ainsi de Dieu. Mais le Seigneur, loin de le juger, l’aborde par une question : « Que fais-tu là Elie ? ». Sa réponse exprime sa détresse et son amertume : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers… Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie » (1 R 19, 10). Le Seigneur, en l’invitant à sortir de la grotte, le convie dans l’attente de son passage, à sortir de lui-même : « Sors et tiens-toi sur la montagne » (1 R 19, 11). Dieu se manifeste alors à Elie d’une manière étonnante. Il n’est ni dans l’ouragan, ni dans le feu, ni dans le tremblement de terre (éléments exprimant la force) mais dans le murmure d’une brise légère. Ce léger souffle n’est-il pas celui qui, au commencement, planait à la surface des eaux (Gn 1, 2) indiquant que de façon mystérieuse, la Parole de Dieu et Son Esprit travaillaient de concert pour amener notre monde à l’existence ? Dans le silence de l’Horeb, après cette théophanie (manifestation de Dieu), Elie comprend enfin ce que le Seigneur attend de lui : rien d’autre que de convertir les cœurs, non pas avec autorité et violence mais avec patience, avec tendresse ! Enfin apaisé par la douce et attentive présence de Dieu, il sort enfin de son refuge, de nouveau prêt à Le servir.

L’expérience faite par Elie rejoint la nôtre. Dieu n’est pas ostentatoire, il est infiniment patient. La véritable rencontre avec Lui ne peut se produire dans le tumulte de nos vies agitées. Pour la vivre et pour qu’elle porte du fruit, il est indispensable d’être à Son écoute. Pour y parvenir, il nous faut, afin de la comprendre et l’intérioriser, prendre dans le calme, le temps du recueillement. C’est alors que Dieu nous recrée et nous donne la force nécessaire pour surmonter les embûches, les épreuves et toutes les tentations qui jalonnent nos vies. Sœur Anne Lécu, après les attentats de Novembre 2015 avait écrit : « Non, notre Dieu n’est pas dans le grand spectacle, dans ce qui fait du bruit, du nombre. Il n’est pas … dans les cortèges que l’on montre au journal télévisé de 20 H. Notre Dieu, est dans la voix de fin silence qui ne s’entend que quand nous nous taisons ». (Signe dans la Bible du 17-11-2015). N’oublions jamais que Celui qui a triomphé de Baal, bruyant Dieu de l’orage que l’on priait avec des rites sanglants, c’est le Seigneur de toute miséricorde.

Toi qui nous dis avec obstination comment aimer, apprends-nous à faire des moments de silence afin de discerner ce que Tu attends de nous. Aide-nous à comprendre que Ta discrète présence vit en nous mais aussi en tous ceux que nous rencontrons. Nous t’en prions Seigneur, donne-nous la grâce du silence pour apprendre à aimer !

Georgette
Illustration : Wikimédia Commons – Elie – Icône Russe anonyme du 13/14e siècle – Collection Tretyakov Gallery (Moscou) – Domaine Public

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