Sur le chemin d’Emmaüs

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Ô Christ Jésus, la route est devant nous, tortueuse, incertaine… Il nous faut cependant céder à son appel, quels que soient nos états d’âme. Qu’avons-nous laissé derrière nous ? Nos ferveurs, nos rêves, nos impuissances ?

 

 

Il est difficile de tourner la page quand un événement vous a secoué. Nous voudrions tant faire durer l’excitation et la mobilisation d’un moment heureux. Mais il nous faut apprendre le deuil et revenir chez soi, oui, revenir chez soi… Heureux encore, si nous ne sommes pas seuls dans notre marche, et si nous pouvons échanger avec un compagnon de route. La solitude peut être une épreuve trop lourde à porter au temps de l’individu-roi. La parole échangée nous allège et rend la route plus familière.

Nous nous comptons par deux, alors qu’il faut nous dénombrer trois… Car Tu n’es jamais absent de nos rencontres ; Tu habites chacun de nos dialogues pour les ouvrir à la réalité. Tu es la Parole à l’origine de toute parole.

Oh ! viens, Seigneur Jésus, t’introduire dans nos face-à-face, viens nous obliger à discerner l’événement, à creuser le sens de ce qui arrive. À donner de l’élan à nos vies. Nous croyons avoir tout compris. Il nous manque la clef de ta venue et de ton accompagnement pour remettre de l’ordre dans nos mémoires, interpréter l’histoire passée et présente, et laisser la Parole brûler nos vies.

Ta Parole, il faut bien l’avouer, n’est pas surgissement de pure nouveauté. Elle a été burinée grâce à des siècles de foi et d’attente par le plus petit des peuples. Elle s’inscrit dans une succession de gestes prophétiques toujours soucieux de la grandeur de Dieu et de la dignité de l’Homme.

Mais voilà, Tu es plus qu’un prophète parmi d’autres ; plus qu’un Messie cristallisant l’espérance d’une nation. Tu viens de Dieu et tu retournes à Dieu en traversant l’épaisseur de notre condition, jusqu’à être conduit à une mort ignominieuse qui n’a pu Te retenir entre ses mains.

Au creux de notre nuit, la nouvelle de ta résurrection n’en finit pas de nous éblouir : Tu es vivant et toute vie trouve en toi sa source et son accomplissement, son sens et sa fécondité.

Alors que Tu as tant à faire sur nos routes de pèlerins, accepte de partager notre gîte et notre couvert. Nous avons faim de parole et de pain, et plus encore du ciel sur la terre. Refais pour nous les gestes du don et de la communion.

Apprends-nous à devenir nourrissants pour les autres, comme toi-même. Fais-nous comprendre qu’en rejoignant la communauté des disciples, nous n’avons plus à nous inquiéter de ton absence. Et qu’en rejoignant la communauté humaine, nous sommes nous-mêmes responsables de Ta présence.

La route est tortueuse, incertaine… Pourtant, elle est jalonnée de signes ténus mais efficaces qui nous remettent à ta suite, réveillés de nos engourdissements et détachés de nous-mêmes.

Donne-nous le souffle pour courir porter la nouvelle à nos frères et sœurs, jusqu’à cette Jérusalem céleste qui vient à notre rencontre, pour rassembler les pèlerins de tous les peuples et de toutes les religions.

Amen.

 

Bruno Chenu (1942 – + 2003)
Photo : Estampe – Jésus et les disciples sur le chemin d’Emmaüs de Pieter Bruegel the Elder (1526/1530 – + 1569)
Wikimédia Commons – Domaine public – Collection privée Los Angeles (Californie)

 

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