Homélie du 5ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année A

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« Vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde ». Vous ! Là. Oui, vous ! Vous qui demandez à l’Eglise le sacrement des malades. Vous qui sentez le poids des ans, vous qui êtes fragilisés par la maladie ou les épreuves de toutes sortes, vous qui pensez peut-être que votre lumière devient vacillante, qu’elle est prête à s’éteindre. Non ! « Vous êtes la lumière du monde » !

Cette lumière de Dieu, elle brille au sein de vos fragilités. Jésus vous le redit, comme il l’a dit autrefois à cette foule qui l’entourait. Or, dans cette foule, qui était là ? Il suffit de relire les versets qui précèdent notre évangile et qui forment le début du discours sur la montagne, les Béatitudes. Dans cette foule, il y a des pauvres, il y a des personnes qui pleurent, il y a des personnes blessées dans leur dignité humaine, il y a des persécutés. Cette lumière de Dieu illumine leurs vies, elle illumine vos vies. Jésus vous révèle cette beauté qui est la vôtre, votre identité la plus profonde, le cœur de votre vie. Il vous invite à descendre à l’intérieur de vous et à vous laisser réchauffer à cette lumière divine en vous. C’est cette bonne nouvelle que vous annonce ce sacrement des malades que vous allez recevoir.

Cette lumière brille en vous, elle brille dans le monde. Oui vous brillez dans le monde. Je me souviens étant encore enfant avoir visité le monastère de la Trappe en Normandie. Le frère nous a guidé d’abord dans la magnifique église de cette communauté, où l’on entendait les chants purs et cristallins des moines de la chorale, puis il nous a conduit dans la ferme de cette abbaye, qui produisait des fruits, mais aussi du fromage de grande qualité, au point à l’époque d’avoir été désigné ferme modèle de tout le département de l’Orne, des produits vendus et distribués par leur magasin, tenu par de jeunes frères très ingénieux. A la fin de la visite, il s’est arrêté au pied d’un bâtiment grisâtre, et en nous montrant les fenêtres à l’étage, il nous a dit : « là, vivent les moines qui portent tout le monastère ». Une personne a demandé : « c’est le père abbé et son équipe de direction ? ». Et le moine a dit : « non, ce sont les moines malades, et c’est l’infirmerie ». Ceux qui portent le monastère, ce n’était pas le père abbé, ce n’étaient pas les moines qui chantaient parfaitement dans le chœur de l’église, ce n’étaient pas les frères agriculteurs, éleveurs ou commerçants, non c’étaient les frères malades, vieux, et handicapés ! Ils illuminaient tous les autres par leur simple vie, ouverte à la grâce de Dieu, assoiffée de sa grâce et de sa consolation, offertes à Dieu et aux autres avec leurs joies et leurs peines. Vous êtes le cœur de la paroisse, du monde, et vous l’illuminez par votre seule présence, par votre seule vie.

« Vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde ». Nous, chacun de nous ! Depuis notre baptême, depuis que le prêtre nous a remis le cierge, en affirmant : « Recevez la lumière de Dieu », cette lumière de Dieu brille dans nos vies, à jamais. Parfois, des personnes viennent me voir, en me disant, j’ai perdu la foi, j’ai perdu la lumière. C’est vrai, elle peut être fragile et cachée sous une montagne de soucis et de questions, mais elle demeure toujours présente. Si nous prenons le temps de mettre de l’ordre dans nos vies, de nous délester de tout ce qui pèse sur elles, alors cette braise jamais éteinte reprendra des forces et embrasera nos vies. « Si tu vas au bout du monde, tu trouves la trace de Dieu ; si tu vas au fond de toi, tu trouves Dieu lui-même » Madeleine Delbrêl.

Vous êtes, il ne s’agit pas de faire des choses, il ne s’agit pas d’être hyper actifs, il ne s’agit pas de nous éreinter. Non, il s’agit d’être ce que nous sommes, rien de plus, rien de moins. Une histoire juive dit cela avec beaucoup d’humour. Rabbi Josua dit : « Quand je serai dans l’Au-delà, Dieu ne me demandera pas : « Pourquoi n’as-tu pas été Moïse ? », mais « Pourquoi n’as-tu pas été Josua ? » Dieu ne me demande pas d’être Mère Teresa, l’abbé Pierre ou Christian de Chergé. Non, il me demande d’être Alexandre. Il nous demande simplement d’être ce que nous sommes, de laisser briller cette Lumière de Dieu en nous et à travers nous dans le monde.

Notre monde aujourd’hui, plus que jamais, attend une lumière. Mère Teresa raconte un jour cette histoire vécue à Melbourne en Australie. Elle allait « visiter un vieil homme, dont, semble-t-il personne ne connaissait l’existence. Sa chambre était dans un état horrible. Elle désirait la nettoyer, mais il ne cessait de dire : « je suis très bien comme cela ». Elle ne répondait pas, et à la fin il lui permit de faire ce nettoyage. Il y avait dans cette chambre une très belle lampe recouverte d’années de poussière. Elle lui demanda : « Pourquoi n’allumez-vous pas cette lampe ? » « Pour qui ? répondit-il. Personne ne vient chez moi. Je n’ai pas besoin de cette lampe ». Elle lui demanda alors : « Allumerez-vous la lampe si une sœur vient vous voir ? » Il répondit : « Oui, si j’entends une voix humaine, je l’allumerai ». Et dernièrement il lui a envoyé un mot : « Dites à mon amie que la lumière qu’elle a allumée dans ma vie brille toujours » (voir la joie du don). Elle a allumé une lumière dans ma vie. Combien de personnes attendent autour de nous une lumière ? Une visite ? Un geste de tendresse ? Une parole d’espérance, une parole lumineuse ?

Notre lumière auprès de qui allons-nous la porter, auprès de quelle personne isolée, auprès de quelle personne enfermée dans des ténèbres profondes ?

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