« Suis-moi »  – (Jn 21, 19)

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En ce 3ème dimanche de Pâques, un tableau de Tintoret et les icônes de la crypte de l’Eglise St Pierre en Gallicante à Jérusalem vont nous aider à méditer l’évangile de St Jean (21, 1-19).

 

 

Jacopo Robusti (v 1518 – +1594) est né à Venise. Son père exerçant le métier de teinturier, il fut surnommé « Il Tinterotto » (le petit teinturier). Ce surnom,  traduit en Français par Le Tintoret a donné le nom de Tintoret sous lequel il est connu en France et dans les pays francophones. Grandissant un milieu riche en couleur, il s’est familiarisé, dès son enfance, avec les pigments. Très jeune, il a utilisé les teintures paternelles pour réaliser des dessins sur les murs. Son oeuvre « Le Christ au lac de Tibériade » peinte vers 1575, illustre l’évangile de Jean. La scène se passe à l’aurore, les ténèbres dominent. Agitation des vagues et ciel rempli de nuages sombres évoquent la tempête. La seule zone lumineuse se situe sur le rivage où se tient le Christ. Son bras allongé vers le large semble attirer irrésistiblement Pierre qui se jette à l’eau. Pourquoi cet effet de clair obscur prononcé alors que le Christ est, selon le texte, déjà apparu trois fois à ses disciples […Il était apparu le premier jour de la semaine dans le lieu où ils se trouvaient alors que lesportes étaient verrouillées et leur avait dit : « La paix soit avec vous… » (Jn 20, 19) puis : « Recevez l’Esprit Saint …» (Jn 20, 22). Ils étaient remplis de joie. A nouveau, il s’était montré à eux et avait prononcé les mêmes mots : « La paix soit avec vous … » (Jn 20, 26)]. Alors pourquoi Pierre désire-t-il pécher ?Avec les autres disciples, il est retourné à ses occupations antérieures puisque le royaume promis ne s’est pas établi selon leur attente. La vie avec Jésus n’est qu’une parenthèse dans leur existence. Le tableau répond également à une autre question.Cette tempête, que peint Tintoret avec réalisme, n’est-elle pas celle reflétant le chaos intérieur de Pierre ? Tout au fond de lui, ne craint-il pas de ne plus être aimé, n’a-t-il pas peur de ne pas être pardonné et même pire peut être se sent-il si impardonnable qu’il redoute de ne pas pouvoir affronté son nouveau chemin de vie ? Il se croyait si fort [Pierre lui dit: « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas… »] (Mt 26, 35) ; or il a renié Jésus par trois fois. Ses doutes et ses interrogations ne sont-ils pas aussi les nôtres ? * – **

Comment Pierre peut-il se relever, reprendre confiance en lui ? L’église de St Pierre en Gallicante à Jérusalem a conservé la tradition de sa trahison.  Son nom de « Gallicantu », « le coq chante », s’inspire de la prédiction de Jésus à Pierre : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois » (Mt 26, 34). Dans la crypte, trois icônes, écrites en 1995 par un iconographe russe, illustrent son reniement, son repentir et sa triple profession d’amour. ***

 

La première, située à gauche, est celle où Jésus pose sur Pierre un regard miséricordieux. Derrière Pierre, les personnages assis dans la cour rappellent ses dénégations. Au moment où le Christ va être emmené pour comparaître devant le Sanhédrin, un coq se met à chanter, Il fixe alors son regard sur Pierre : [« Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre. Alors Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. »(Lc 22, 61). ***

 

Celle du centre, au fond du chœur, représente Pierre après son triple reniement : « il sortit et, dehors, pleura amèrement(Lc 22, 62). Assis pensif sur un rocher, il semble replié sur lui-même. Sa position rappelle la parabole de l’enfant prodigue « … alors il rentra en lui-même » (Lc  15, 17). Certes, il a rencontré le regard bienveillant du Christ, mais le trou noir dans la montagne montre son état d’âme. En plein désarroi, il demeure écrasé par le poids de sa culpabilité. ***

 

Celle de droite relate l’évangile lu aujourd’hui. Jésus est apparu à ses disciples au bord du lac de Galilée. Après s’être fait reconnaître, Il a allumé un feu, préparé le poisson avec du pain (tous deux signes de repas eucharistique) et les invite à manger : « Venez manger » (Jn 21, 12). A la fin du repas, il interroge Pierre trois fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » (Jn 21, 15). Suite à sa dernière réponse : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime » Jésus lui dit « Sois le berger de mes brebis » (Jn  21, 17). Pierre s’est converti, il est passé du : « moi, je » au « toi, tu ».Par sa triple affirmation d’amour il vient d’effacer ses trois reniements. Devenu apte à suivre le Christ jusqu’à la mort, Jésus lui remet la houlette du pasteur. La barque, sur les flots agités, que porte Pierre représente l’Eglise. Cette symbolique nous dit combien, malgré les graves crises qu’Elle a traversées et qui la guettent encore, Elle a su résister aux épreuves. Cette embarcation qui navigue sur la mer de Galilée (autre nom du lac de Tibériade) a souvent été le lieu d’enseignement des disciples par le Christ. Elle nous indique que l’Eglise est ouverte à tous et relie les Hommes entre eux. * – **

 

 

Dans ce dernier chapitre, Jean emploie deux verbes : Phileô, c’est-à-dire aimer d’un amour humain se traduisant par de l’affection. C’est un amour qui prend, donne, partage. Quant à Agapaô, c’est l’amour désintéressé, qui donne tout. C’est de cet amour que Dieu aime. Jésus s’adresse donc à Pierre avec ce verbe ; or Pierre, par deux fois, lui répond avec le verbe Phileô. Jean, évangéliste de l’Amour inconditionnel, l’emploie alors pour reformuler la 3eme demande. Il souligne ainsi que le Christ n’exige pas de Pierre un amour inconditionnel mais qu’Il lui donne et lui offre la liberté des enfants de Dieu. En effet, aimer d’amitié, « phileô » conduit à aimer d’agapé: [« Il n’y a pas de plus grand amour (« agapé ») que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (« philois »)] (Jn 15, 13). Si Jésus interroge Pierre trois fois, ce n’est pas pour lui rappeler ses trois reniements. Il le fait pour lui apprendre que l’amour est constamment source de pardon et de nouveau départ mais aussi parce qu’à cette époque, une affirmation légale devait être dite trois fois devant témoins pour devenir officielle. C’est donc ce que fait Jésus devant les autres disciples. Il officialise ainsi la mission de Pierre. Cette charge de pasteur de l’Eglise ne trouve pas sa source dans des qualités spécifiques mais prend racine dans la reconnaissance d’un amour réciproque. C’est dans l’amour que toute vocation peut s’accomplir. Elle doit s’exprimer dans le service aux autres. Mère Teresa disait toujours : « Le fruit del’amour est le service et le fruit du service est lapaix ».

Georgette

Sources : * Les yeux d’Argus –  ** Bibliquest – *** St Pierre en Gallicante – Sanctuaire à découvrir – La crypte

 

 

 

 

 

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