Le bon usage de la parole (Si 27, 4-7)

Publié le

Quand on secoue le tamis, il reste les déchets ; de même, les petits côtés d’un homme apparaissent dans ses propos.

Etre des artistes de la parole

Dans l’Egypte ancienne, des recueils d’instructions, composés de maximes et de préceptes éthiques et moraux appelés « Sagesse », servaient à l’enseignement d’un jeune homme. Dans celui destiné au jeune pharaon Mérikaré ( 2000 ans avant J.C.) figurait cet avertissement : « Soyez des artistes de la parole, vous êtes si puissant …le discours est plus fort que toutes les armes ». *

Le Siracide

La 1ere lecture, de ce 8eme dimanche du temps ordinaire, est tirée du livre du Siracide (il porte également le nom du livre de Ben Sira le Sage ou encore l’Ecclésiastique [« Eglise »] car les nouveaux baptisés devaient le lire pour compléter leur instruction morale).

Son auteur, fait assez rare dans les écrits de l’Ancien Testament est connu. Il s’agit de Yeshoua (qui se traduit par Jésus, prénom, typiquement Juif, signifiant : « Dieu est Salut », « Dieu Sauve ») fils de Ben Sirac, notable de Jérusalem qui aurait vécu vers l’an 190 av. J.C. Ecrit en hébreu, ce recueil fut apporté dans les milieux juifs hellénisés et traduit en grec.

Le Siracide, livre de la Sagesse

Cet écrit appartient à la littérature de sagesse. La Sagesse, apporté par l’Esprit Saint est l’un des sept dons de Dieu. Elle permet de discerner le bien du mal. Venant de Dieu elle prend sa source dans sa Parole et demande à l’Homme de nombreux efforts. *

L’ouvrage est un mélange de deux genres littéraires : tantôt des « proverbes », tantôt des développements structurés qui proposent des réflexions sur un sujet. Après la préface, il se divise en cinq recueils d’enseignements traitant de – 1 : La Sagesse2 : Dieu et la création3 : La Sagesse et la loi4 : Comment gouverner sa vie5 : L’action de Dieu dans l’histoire des Hommes. Chaque section aborde de nombreux thèmes tels que : la source de la sagesse, la crainte de Dieu, l’humilité et la vérité, l’alliance, la miséricorde et la justice, la crainte de Dieu, l’éloge de la sagesse, la rancune, le discernement, l’éloge des pères, l’action de grâce… **

Un enseignement pour la jeunesse

Le but de l’auteur est de défendre l’héritage culturel et religieux que le peuple Hébreu reçut des générations passées. Dans un monde en plein bouleversement, ces enseignements devaient permettre au peuple Juif de garder son identité.

Il cherche à les convaincre qu’Israël n’a rien à envier à la culture, aux mœurs et à la religion hellénistiques. Héritier des écrits de Sagesse (tels Job et les Proverbes), il met son expérience au service de la jeunesse afin de lui enseigner la manière dont il faut se comporter en toutes circonstances pour rester fidèle à la volonté de Dieu. **

Le tamis – le potier et l’arbre

Les textes se présentent comme un recueil de maximes ou de proverbes. Bien qu’ils ne soient pas  toujours compréhensibles aux occidentaux que nous sommes ils sont néanmoins très beaux par leur poésie et ils nous ouvrent à une autre culture.

Dans le passage lu ce jour, Ben Sira, à l’aide de trois images familières à cette époque et dans cette région nous invite à méditer sur l’usage de la parole

  • celle du tamis servant à séparer l’or des déchets,
  • celle du four du potier (l’image du potier est célèbre car elle s’applique à Dieu créant le monde)
  •  celle de l’arbre très présent dans les textes bibliques (le psaume du jour fait référence au palmier et au cèdre)], nous invite à méditer sur l’usage de la parole.

Savoir se taire

Celui qui en fait bon usage  sait se taire. Il réfléchit, parle avec justesse et au moment approprié et il écoute l’autre Celui qui en fait mauvais usage calomnie, émet des jugements trop rapides, ne sait pas garder un secret, émet un avis sous la pression … Cet usage, positif ou négatif, permet de connaître « l’intérieur de l’Homme ». **

Bref; si Ben Sira emploie ces comparaisons, c’est pour nous donner un avertissement. En effet le tamis sert à séparer les déchets de l’or. Le four met à l’épreuve la qualité du travail du potier et le fruit permet de constater la bonne santé de l’arbre.  Il en est de même des paroles. En somme, son  enseignement se résume à ces mots : « Les petits côtés d’un homme apparaissent dans ses propos… On juge l’homme en le faisant parler… Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé » (Si 27, 4-6).

Faire un bon usage de la parole

Le but de cette mise en garde : nous apprendre à faire un bon usage de la parole. C’est un critère infaillible de jugement pour nous-même et pour les autres. Nos paroles sont le miroir de notre cœur ! C’est également ce que dit Jésus à ses apôtres dans l’évangile lu aujourd’hui : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6, 45). **

Mettre un frein à notre langue

Etant tous créés à l’image de Dieu, les textes de ce dimanche nous recommandent donc de découvrir le bien qui est présent en chacun. Ils nous mettent en garde contre notre langue qui, ainsi que le souligne St Jacques : « … sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes…de la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne faut pas qu’il en soit ainsi » (Jc 3, 9-10).

Paroles blessantes, injustes ou médisantes ne devraient pas franchir nos lèvres. Nous sommes donc invités à nous laisser transformer par Dieu afin que les mots qui sortent de nos bouches soient empreints de bonté, guérissent et relèvent.

Pour y parvenir redisons inlassablement cette courte prière : « Mets une garde à mes lèvres, Seigneur, veille au seuil de ma bouche » [Ps 140 (141) – 3]

Georgette

Sources : *   Chrétiens aujourd’hui –  **   La Bible en Français courant – ***   Marie-Noëlle Thabut

Illustration : Wikimédia Commons – Siracide, premier chapitre, traduction allemande, artiste anonyme, 1654 – Zentralbibliothek Zürich – Domaine Public

 

Plus de lecture...