« Tout le peuple écoutait la lecture de la Loi » (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)

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Dans les manuscrits hébreux, les livres d’Esdras et de Néhémie ne formaient qu’un seul ouvrage. Il portait le nom du livre d’Esdras. Les traducteurs grecs de la version des LXX (= Septante) l’ont partagé en deux. Ces textes concernent la période qui a suivi le retour des Juifs qui étaient captifs à Babylone ; elle s’est étendue  pendant plus d’un siècle. *

Qui était Esdras: Prêtre et scribe de la maison d’Aaron d’une grande piété, il a été chargé par le roi perse Artaxerxès d’une mission officielle. Après son arrivée à Jérusalem, il entreprend des réformes radicales. Ardent réformateur, enseignant avec compétence la loi de Dieu, il recentre la vie du peuple Juif sur le culte et la parole.

Néhémie : Ce haut fonctionnaire avait obtenu du roi perse l’autorisation de reconstruire la capitale juive en commençant par sa muraille. Patriote convaincu, il se consacre aux progrès moraux et sociaux de son pays. Il mène une vie de prière et une activité énergique avec la conscience de dépendre de Dieu. Il restaure le culte, avec célébration des fêtes, conformément à la loi de Moïse.

Tous deux, inspirés par le livre de la loi, ont participé à la reconstruction morale et spirituelle du peuple d’Israël après la déportation à Babylone. *

Le passage du livre de Néhémie, lu en ce 3eme dimanche du temps ordinaire, se situe après la reconstruction du temple de Jérusalem. A un moment où peuple Hébreu semble avoir perdu cette espérance qui était pourtant l’une de ses caractéristiques (l’espérance est, rappelons le, cette vertu théologale dont l’objet principal est la participation à la gloire de Dieu, c’est-à-dire la mise en pratique d’actions animées par la force créatrice et transformatrice divine. Elle trouve sa  source  et l’énergie nécessaire dans la prière et l’écoute de la parole). Pendant la déportation, des païens s’étaient installés à Jérusalem et leurs préoccupations étaient très éloignées des exigences de la loi Juive. La reconstruction du temple s’était d’ailleurs heurtée à leur hostilité. Un relâchement dans la pratique religieuse se faisait sentir. Les nombreux mariages entre Juifs et païens favorisaient cette indifférence cultuelle. Esdras et Néhémie unissent donc leurs efforts et obtiennent du Roi Artaxerxès la permission de reprendre en main le peuple. Il s’agit pour eux de redresser la situation, de redonner le moral  à la communauté juive et de la ressouder autour de la loi de Moïse.

L’unité du peuple Juif s’était toujours faite au nom de l’Alliance avec Dieu. Son identité s’était forgée autour de : la Terre et la Ville Sainte, le Temple et la Parole de Dieu. Le peuple a enfin retrouvé sa terre, le temple est reconstruit et Néhémie achève la reconstruction de la Ville Sainte de Jérusalem. Il reste une chose à entreprendre : recentrer la vie des fidèles sur la Parole de Dieu. Puisque les habitants demeurent dans des villes différentes, ils seront invités à se rassembler à Jérusalem à un moment précis. La date a donc été choisie avec soin. Il s’agit de reprendre l’ancienne coutume qui réunissait tout le peuple à l’occasion de Roch Hachana, fête célébrant la nouvelle année civile du calendrier hébraïque. Appelée « jour de la sonnerie », elle est considérée dans la tradition rabbinique, comme le jour du jugement de l’humanité et inaugure une période de dix jours de pénitence dans l’attente du grand pardon accordé aux repentants à Yom Kippour : « C’était le premier jour du septième mois » (Ne 8, 2).

 

Que mon cri parvienne devant toi, éclaire-moi selon ta parole Seigneur  Ps118 (119), 169

L’endroit est choisi avec discernement. Ce sera sur la place devant la porte des eaux (ainsi nommée parce qu’elle donnait accès à la grande source d’eau vive de Jérusalem– actuellement la Fontaine de la Vierge) « Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. » (Ne 8, 1). Ce choix, par l’auteur des livres d’Esdras et de Néhémie, n’est pas anodin. En effet, c’est tout le peuple, composé d’hommes, de femmes et d’enfants en âge de comprendre, qui est réuni pour écouter, du lever au coucher du soleil, la lecture de la Loi : « Esdras, tourné vers la place…fit la lecture dans le livre…en présence des hommes, des femmes et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi »(Ne 8, 3). Ce grand rassemblement est une invitation à se ressourcer, à « boire » les paroles lues par Esdras. La lecture, faite de façon particulièrement solennelle, doit marquer les esprits : une tribune en bois dominant le peuple a été construite. Le livre est élevé afin qu’il soit vu par tous : [« Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! »] (Ne 8, 5-6). Ce mot « Amen » veut dire « j’ai confiance … j’y crois ! ». Tout au long de cette longue journée les textes sont expliqués et commentés par les lévites. L’assemblée est émue, les larmes coulent.  En ce jour unique, Esdras l’invite à la fête. Puisque la Parole de Dieu a été proclamée solennellement, il faut maintenant se réjouir : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez … envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »(Ne 8, 10). Le peuple est ainsi convié à vivre une Eucharistie [Les mots eucharistein(Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24) et eulogein(Mt 26, 26 ; Mc 14, 22) rappellent les bénédictions juives qui proclament – particulièrement pendant le repas – les œuvres de Dieu : la création, la rédemption et la sanctification (CEC 1328)]. C’est autour de la parole et de « l’Eucharistie » que le peuple Juif retrouve son unité. **

 

 

Ce beau récit du livre de Néhémie n’est pas sans nous rappeler l’événement que nous avons vécu les 19 et 20 Mai 2018. A une période où l’Eglise Catholique traverse une crise aux multiples causes,  la grande Assemblée a réuni tous les fidèles du Val d’Oise dans le parc de l’école St Martin. L’une des trois thématiques de ce grand rassemblement insistait sur « la place de la parole de Dieu » dans nos vies. Le dimanche après-midi, après la surprise du message du pape François, nous étions près de 15000 fidèles à participer à l’Eucharistie.  Après les lectures, Monseigneur Lalanne, dans son homélie, nous le rappelait : « Chaque langue, chaque culture a le droit et le devoir de recevoir à sa manière la parole de Dieu et de lui répondre à sa manière …. ». Le culte, l’intérêt pour la Parole sont une occasion incomparable de nous ressourcer et fortifier notre foi. Une hymne de St Thomas d’Aquin chante [: « Visus, tactus, gustus, in te fallitur ! (…) Auditu solo tuto creditur«  La vue, le toucher, le goût se trompent à Ton sujet. Seule l’ouïe est fiable pour trouver la foi »] ***

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Cette lecture du livre de Néhémie et celle de l’Evangile qui se termine par ces mots « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre »nous rappellent que nous avons constamment besoin d’entendre et de faire nôtre les paroles proclamées au cours de chaque Eucharistie. Toujours importantes, elles nous invitent à revivifier avec constance notre Foi. Sœur Anne Lécu le souligne : «  L’écoute de la parole de Dieu n’est pas un préalable, c’est la substance même de la communion (du verbe Koinonos = être joints, associés  » et elle rappelle : La Parole de Dieu se livre sans défense à ceux qui la refusent, et elle entraîne à sa suite ceux qui la reçoiventdans le rude combat avec ce qui, en vrai, menace la vie de l’Homme… ». ***

Georgette

Sources : * Traduction œcuménique de la Bible et site Creusons la Bible (introduction aux livres bibliques.) –  ** Bibliquest (Méditation sur le livre de Néhémie)  – *** Ceci est mon corps d’Anne Lécu.

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