Homélie du 26ème dimanche ordinaire (année B)

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Le texte que je viens de lire est terrible. Faut-il vraiment s’arracher un œil, se couper un pied, se couper une main pour être plus en forme ? C’est complètement fou !je ne sais pas pour vous, mais si j’appliquais ce texte à la lettre, il y a longtemps que je serai polyhandicapé.

Est-ce cela que Jésus veut pour nous ? Évidemment non. Son plan est plutôt de guérir les mains sèches, de faire marcher les paralytiques, de rendre la vue des aveugles. Et même de ressusciter les morts, pas de nous jeter dans la mer avec une énorme roue en pierre autour du cou. Son programme, c’est : tout le monde en pleine forme. Spirituellement, mais aussi physiquement.

Mais que dit vraiment ici Jésus ? Il nous dit que ce qui est importantest de pas être source de chute. Ne pas nous laisser entraîner par le mal, et ne pas entraîner les autres à faire mal. Jésus nous invite à faire le bien, au moins un tout petit peu de bien. Jésus ne place pas la barre très haut : « donner une fois un verre d’eau en son nom à quelqu’un ».

La première question que je dois me poser :M’arrive-t-il de faire le mal et de pousser les autres à le faire ?Évidemment, cela nous arrive. À tous. Pas forcément de tout notre être, de tout notre cœur, mais au moins avec une partie de nous. Et avec nos mains, ou au moins une de nos mains, nous commettons des gestes qui blessent ; et avec nos pieds, ou au moins un de nos pieds, nous prenons de mauvaises directions et nous rejoignons des personnes qui font le mal ; et avec nos yeux, ou au moins un de nos yeux, nous voyons tout de manière négative. Alors il serait bon de changer de regard, d’arracher mon ancienne façon de voir, de changer de façon de vivre ou d’agir. C’est comme cela, que Jésus nous propose de nous opérer, et de nous opérer nous-même. Il nous dit que nous pouvons le faire.

Mais pourquoi Jésus parle avec des paroles extrêmes, avec des paroles dures ? C’est pour une raison d’urgence.

Dans les lieux publics, et bientôt dans nos églises, il y a un appareil qui s’appelle un « défibrillateur » et qui peut sauver des vies. Bizarrement, c’est avec un choc électrique extrêmement fort qu’il est capable de faire repartir un cœur qui se serait malheureusement arrêté. La parole de Jésus est comme cela. Oui, il exagère : s’arracher soi-même un œil, une main, un pied ? impossible. Et même absurde. Jésus fait alors choc. Un coup de défibrillateur. Il parle en paraboles pour nous stimuler. C’est que Jésus veut nous ressusciter, faire repartir notre cœur, fait pour battre et nous faire vivre, et aimer.

Nous sommes attirés par le mal, nous faisons le mal, nous voyons le mal se faire. Et je ne fais rien. Et nous ne faisons rien ? Mais comment, nous dit Jésus. Vous ne voyez donc pas la situation ? Elle est terrible. Vous auriez une pierre d’une tonne vous tirant au fond de la mer que vous seriez moins mal parti. Jésus veut nous guérir avec des paroles exagérées comme celles-là. Il dénonce notre inconscience, notre facilité de nous habituer au mal, de le trouver normal, ou pas si grave.

Un enfant est maltraité, je dis cela avec honte car cela est arrivé dans l’Eglise, sans que personne ne mette fin à cette situation : pas de scandale, étouffons l’affaire. Des fausses informations circulent sur les réseaux, sur les portables, et je les diffuse à tous mes amis et j’en rajoute même si c’est faux. Cela détruit la vie d’une autre personne, mais personne ne réagit. En classe, j’ai vu chez ma voisine ou mon voisin quelque chose que j’aime beaucoup, et je vole quand personne ne voit rien, et puis je triche… tricher sur les impôts, les taxes, les licences, les limitations devient un sport national…

Ce qui me semble choquant ce n’est pas qu’il y ait quelques personnes tordues, ce qui mauvais signe c’est que cela ne choque plus personne. C’est comme si nous étions habitués au mal.

Ce n’est pas la paix que ce calme-là. C’est se laisser couler. Aimer son prochain, ce n’est pas cela, car ce n’est aimer ni la victime ni le coupable que de banaliser le mal. Et c’est encore moins s’aimer soi-même, ce n’est pas se respecter soi-même que de s’habituer à avoir un comportement médiocre.

Face à une situation mauvaise : s’indigner, résister, être scandaliser, c’est bon signe. C’est que nous ne confondons pas le mal et le bien. Mais si nous nous habituons au mal, c’est alors que nous coulons vers le bas, que notre être est comme engourdi, endormi, ne ressentant même plus que le mal est mauvais.

Alors quoi ? Dès que nous faisons une faute, devons-nous nous arracher un pied ou une main ? Non, bien sûr, mais au moins avoir un sursaut, ne pas s’accoutumer au mal. Ne pas le justifier, ne pas laisser mourir notre conscience, l’idée de justice, la volonté d’idéal. Continuer à espérer le meilleur possible.

Aux personnes qu’il croise, Jésus dit sans cesse « tes péchés ont été pardonnés (par Dieu), va en paix », c’est à dire avance grâce à lui dans vers le bien, évidemment. Ne pas se laisser glisser vers le mal. Mais en même temps « tes péchés sont pardonnés », il appelle un mal un mal, il ne fait pas mine de rien, tout en ouvrant ensuite un chemin d’espérance.

Et face aux méchants, devrions-nous nous jouer les juges ? Ce n’est pas ce que dit Jésus. Il ne dit pas non plus de couper la main du méchant, ni de jeter dans la mer avec une pierre attaché au cou, ni de lapider non plus. Jésus ne tue pas, il n’ampute personne, au contraire, il fait des miracles pour guérir et ressusciter.

Que propose Jésus ? De donner à boire à celui qui est « au Christ ». Donner à boire, c’est abreuver cette dimension divine qui est en chacun de nous, c’est réveiller cette dimension à faire le bien qui sommeille en chacun de nous, c’est permettre aux uns et aux autres de retrouver le chemin du bien.

Amen

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