Tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre !

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Qu’elles sont belles, joyeuses et pleine d’espérance ces phrases lues aujourd’hui : « Je t’exalte, Seigneur, tu m’as relevé, …Seigneur,  tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais à la fosse » ! [Ps 29 (30), 2-3]. Ces exclamations sont celles du peuple hébreu au retour de l’exil à Babylone. Cette déportation avait été semblable à une chute au fond d’un puits profond, noir, sans issue. Or Dieu avait entendu les cris de désespoir, les plaintes et les prières de son Peuple et maintenant ils chantaient et remerciaient Dieu. Les cris de détresse, de révolte, le sentiment d’abandon sont également les nôtres quand, au cours de nos vies, nous tombons au fond de l’abîme de la désespérance, dans la nuit du doute… mais comme le peuple d’Israël, nous sommes invités à vivre l’expérience de Son infinie miséricorde.

 

Les exemples sont nombreux de tous ceux dont la douleur est si grande qu’ils en sont anéantis, broyés  « à l’intérieur ». Le Christ lui-même a poussé cette plainte au moment de son agonie sur la croix : [« Eloï, Eloï, lema sabactani – ce qui veut dire : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »]. Elle exprime sa souffrance, mais c’est aussi une prière ; celle du psaume qui commence par ces mêmes mots et se poursuit par : « …Mon Dieu, j’appelle tout le jour, et tu ne réponds pas, même la nuit je n’ai pas de repos ».[Ps 21 (22), 1-2]. Sur la croix, portant le poids de l’humanité en détresse ; elle traduit sa douleur, sa peur devant l’inconnu mais elle porte aussi le désespoir de tous ceux qui souffrent, de ceux qui, dans les moments d’affliction, se sentent abandonnés, oubliés. Leur relation à Dieu, que pourtant ils aiment et prient, est alors souvent mise à mal. La sortie des ténèbres, une remontée vers la lumière leur paraît impossible !

 

Et pourtant Il est là ; Il ne cesse jamais de nous aimer. Nous créant à son image, Il a mis en nous une petite étincelle de sa divinité et de sa compassion. Il nous appelle à redonner le goût de « vivre », à relever ceux que la souffrance a anéantis. Une demande, un échange fraternel, une écoute attentive, une étreinte silencieuse, une main tendue, une parole, un regard ou un sourire et parfois  une phrase maladroite peuvent déclencher une réaction salutaire. C’est ce que nous confie Christiane Rancé dans son livre :  En pleine lumière. Après la mort de sa petite fille, une haine puissante contre le monde la rongeait et elle souligne : « Je ne me rendais pas compte de la colère terrible dont j’avais fait mon masque ». Et elle poursuit : « …Quand ai-je cessé de me repasser chaque seconde de cette fatale journée pour trouver comment rembobiner le temps… d’où m’est venu ce sursaut ? Je crois d’une conversation où quelqu’un, qui ne savait pas, m’a parlé de la mort des enfants comme la preuve irréfragable de l’indifférence de Dieu à notre sort, voire de son inexistence… quelque chose en moi s’est révolté à ces paroles… J’ai fini par consentir à cette mort parce que je refusais qu’elle soit tenue comme pièce à conviction dans un absurde procès contre Dieu, ou contre son existence ».

 

Par les sacrements, Dieu nous donne des signes de son infinie tendresse. Dans celui de la réconciliation et du sacrement des malades, Il vient rejoindre nos cœurs d’une mystérieuse façon. Ne désire-t-il pas avant tout notre paix intérieure, notre salut! Dans celui de l’Eucharistie, ainsi que le souligne Sœur Anne Lécu * : « Dieu se vide de tout pour nous offrir toute la place ». Pendant la prière universelle, le Christ s’incarne dans nos vies et nous demande : « d’être aujourd’hui sa voix pour supplier le Père à sa suite »…Pour elle, rédiger une prière universelle, c’est s’exprimer au nom de tous ceux qui ne le peuvent: «… ceux qui sont moqués, ridiculisés, condamnés au silence, perdus, désespérés ». Pendant l’offertoire, le pain que nous présentons est fait de grains broyés : « c’est un pain de fatigue, de crainte et de douleur … Mais c’est aussi la nourriture des hommes et leur joie d’être ensemble ». Le vin, quant à lui, évoque la fête mais il provient du raisin qui, au pressoir, a été foulé : « il porte la peine de la terre mais il nous dit aussi qu’il y a une joie de la terre… ». Dans ce pain et ce vin offert ce sont nos vies que nous offrons, ce sont nos efforts, nos réussites mais aussi nos peurs, nos découragements «… La supplication des uns devient la supplication des autres… ». Au moment de l’élévation, lorsque après la consécration le pain est devenu Corps du Christ et que le vin est devenu Son sang : « C’est le Christ abîmé, dévasté que nous contemplons … Elevé de terre, il attire à lui tous les hommes. Son élévation nous soulève comme un levain…et dans ce geste, c’est le Christ élevé qui nous contemple, s’offre pour nous et nous aime. L’amour reçu nous transforme en capacité d’amour donné ».

 

Quelle est la bonne attitude pour contempler le Christ venu nous relever ? Certains préfèrent s’agenouiller, osant à peine regarder cette hostie consacrée puis ce calice porteur de vie! Pourtant ils rayonnent de l’amour divin.  D’autres restent debout, les contemplant longuement puis s’inclinant avec un infini respect et avec une muette prière de remerciement au fond du cœur. Personnellement, c’est celle qui me parle le plus. Elle s’accorde avec ce à quoi nous invite le Christ dans les récits de « réveil », de « résurrection ».  Au fils de la veuve de Naïm il dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi  »(Lc 7, 14), à la fille de Jaïre, il fait la même invitation [« Talika Koum, ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève toi »] (Lc 8, 54). A son ami Lazare, Il adresse cette invitation :[« Lazare, viens dehors ! …puis il donne cet ordre aux spectateurs stupéfaits : « Déliez-le et laissez-le aller »] (Jn 11, 43-44).

Ces trois récits ont un point commun : Le Christ se laisse toucher par la douleur des personnages Sa parole a le pouvoir de les « ramener à la vie » ; Il les invite alors à assumer les douleurs et les bonheurs que la vie apporte et, par elle, êtres des témoins de son amour. C’est aussi ce à quoi il convie chacun de nous !

Georgette

* Anne Lécu – Ceci est mon corps – Les éditions du Cerf.

https://www.youtube.com/watch?v=JdyAeuh51WM

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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