L’homme extérieur et l’homme intérieur (2 Co 4,13-5,1)

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Dans ce passage de sa 2de lettre Saint Paul n’hésite pas à dire : « … ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour …» (2 Co 4, 16). Cette phrase est une invitation à réfléchir, d’une part sur ce qu’est l’homme extérieur et l’homme intérieur mais aussi sur la façon dont notre société réagit face à la dégradation physique des corps.

L’être humain est fait à la fois d’une enveloppe charnelle et, comme dans toutes les espèces animales, d’un esprit. Celui de l’homme lui permet de penser, d’apprendre, de raisonner, de décider et il est pourvu de nombreux dons : intelligence, logique, aptitude à décider… Nous pouvons donc ressentir des émotions, des sentiments tels que la peur mais aussi l’amour, la confiance, l’espérance … et puisque Dieu nous laisse notre liberté, faire des choix. Il nous a créé avec un esprit inachevé que nous devons utiliser pour parachever ce que nous sommes : des êtres faits pour retourner à Lui ! Cette unité corps et esprit forme l’Homme extérieur.  L’être humain est également doté d’une âme qui est d’essence divine. Elle lui permet de relier son esprit à celle du Créateur par la méditation, la prière et de mesurer la valeur d’une action, d’une pensée. C’est la partie spirituelle de notre humanité. Au moment de la mort, c’est cette partie immatérielle mais cependant vivante, qui retourne à Dieu (soulignons-le, elle se manifeste dès notre conception, avant même l’incarnation de notre Esprit). C’est elle qui forme l’Homme intérieur.

Saint Paul nous le rappelle, l’Homme extérieur est voué à une dégradation physique due à une pathologie ou à la vieillesse. Il peut perdre l’usage de ses membres, de sa mémoire ou rester plongé dans un coma profond. Certains pensent alors qu’Il est devenu « un légume ». Dans une société qui cultive l’esthétique, pour qui l’idée de perdre son autonomie apparaît dégradante, des voix s’élèvent pour proclamer que nous devons mourir dans la dignité. Au nom de la liberté, elles réclament le droit à l’euthanasie ou au suicide assisté. Or, même si nous sommes paralysés, si nos facultés mentales s’affaiblissent, si le corps de l’homme extérieur se dégrade et que nous ne parvenons plus à le maîtriser …nous restons cependant la même personne ; la vie divine demeure toujours en nous. Christiane Rancé, dans son livre « lettre à un jeune chrétien » en parle avec émotion lorsqu’elle évoque le pape Jean-Paul II que tous disaient défaillant et même mourant. Or, voici ce qu’elle écrit lorsqu’il a fait son entrée : [« C’était un 08 mai… Il est apparu. La tête légèrement penchée sur l’épaule gauche. Avec sa crosse devenue sa canne, il s’est avancé à petits pas, très péniblement, jusqu’à son fauteuil et il lui a fallu un grand effort pour s’y asseoir…Il a repris son souffle, puis il a dit dans une sorte de murmure timbré d’un sourire : « Le Seigneur mon Dieu est ma force…il me fait marcher dans les hauteurs » Ce passage du cantique d’Habacuc (Hab. 33, 18)…fut pour tous la démonstration de ce que Descartes appelle la « force d’âme »] Puis elle continue : [«Ce jour là, j’ai touché des yeux ce qu’était ce mystère à la racine même du Christianisme…: « Le corps, et lui seul, est capable de rendre visible l’invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour amener dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu, et ainsi en être le signe »].  

Bien entendu, il n’est pas question de faire l’apologie de la douleur, d’une souffrance qui serait rédemptrice. Le Christ, par le sacrifice de sa vie a racheté définitivement l’humanité ! C’est un devoir de donner des médicaments qui, même s’ils ne guérissent pas et risquent d’abréger la vie de quelques mois, semaines ou jours, soulagent les douleurs. Ce l’est aussi d’accompagner nos « anciens » dont le corps se dégrade ainsi que tous les malades en fin de vie ; et malgré notre peine, de les entourer, de les réconforter et surtout de les aimer jusqu’au bout. Ce l’est de croire que, même un dans un corps plongé dans le coma, l’Homme Intérieur demeure présent ! Que savons-nous exactement de ce que peut ressentir celui qui extérieurement ne donne plus signe de vie ? Quand nous nous trouvons dans la phase du sommeil profond, avons-nous conscience de ce qui nous entoure ? Et pourtant, nous sommes vivants ! Jusqu’au bout, cette unité que forme l’être extérieur et intérieur a besoin de nos paroles, de notre présence aimante. Qui trouve stupide qu’une mère parle au fœtus qu’elle porte dans ses « entrailles » !

St Paul nous fait comprendre que notre « regard » ne doit pas se diriger vers la déchéance des corps. Ce qui se voit est provisoire alors que ce qui ne se voit pas est éternel. Comme l’a rappelé Benoît XVI le 19-11-2007, lors de l’audience qu’il a accordé aux participants de la 22eme conférence internationale pour la Pastorale de la Santé : « …Rien ne peut nous séparer de l’Amour du Christ. C’est en et avec Lui, qu’il est possible d’affronter et dépasser chaque épreuve physique et spirituelle et, précisément dans les moments de grande faiblesse, expérimenter les fruits de la Rédemption. Le Seigneur Ressuscité se manifeste à tous ceux qui croient en Lui, comme le Vivant qui transforme l’existence… ». Une loi permettant de légaliser l’injection d’un produit létal ne serait-elle pas en définitive une « injure » pour ceux qui, jusqu’au bout, luttent avec courage, dignité et certitude que la mort n’est qu’une étape ?

Georgette

 

 

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