Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc : quelques clefs de lecture

Publié le

Suite à la représentation de la pièce de théâtre Le mystère de la Charité de Jeanne d’Arc et à la demande de spectateurs, nous vous communiquons quelques clés de lecture de cette oeuvre.

Le rideau s’ouvre sur Jeanne, plongée devant nous dans une ardente prière aux accents déchirants : « Quatorze siècles de chrétienté ont passé et rien ne coule sur la terre qu’un flot d’ingratitude et de perdition ! » Elle est encore dans sa Lorraine natale. Son amie Hauviette lui rend visite. « Tout te fait du mal !» lui reproche-t-elle. Puis c’est au tour de madame Gervaise, une religieuse dont elle espère des réponses dignes d’une spécialiste en matière de foi : « Nous sommes derrière Jésus. Laissons venir la volonté de Dieu. Jamais nous ne savons si la prière est vaine. »

Chacune a raison à sa manière et leurs arguments, emplis de leur expérience intime, nous touchent constamment. Jeanne écoute, tout en ayant au fond d’elle une raison supérieure qui la déborde : « Il faut que quelqu’un y aille ! »

Trois comédiennes exceptionnelles pour incarner trois façons « d’être dans la main de Dieu » avec une conviction bouleversante. Le texte de Péguy, admirablement condensé en une heure par le metteur en scène, Jean Luc Jeener, vient nous chercher jusque dans la question brûlante de notre siècle : sommes-nous individuellement concernés par le sort du monde ?

La pièce a été créée en 2006 dans le cadre d’une « Saison Jeanne d’Arc » au Théâtre du Nord-Ouest à Paris puis reprise dans divers lieux depuis 12 ans. La mise en scène de Jean-Luc Jeener, d’une grande sobriété, donne toute la place à la présence et la parole des trois comédiennes d’une vérité confondante. Nous entrons d’emblée dans le vif de la question posée par Jeanne : comment ne pas intervenir au milieu de tant de souffrances ? Son amie Hauviette, dont Péguy a repris le nom véritable, ne comprend pas que l’on puisse remettre en question « l’ordre des choses ». La vie elle-même se charge d’apporter les petites joies quotidiennes qui empêchent de désespérer et qui sont la marque de la présence divine. Madame Gervaise est en revanche un personnage fictif. Elle est sortie de son couvent pour se rendre au rendez-vous que lui a fixé Jeanne. « Je suis passée par là » lui dit-elle. Elle raconte ses cas de conscience, ses douleurs secrètes, sa quête de la présence divine pour être emmenée sur le bon chemin.

La pièce confronte trois façons « d’écouter la voix intérieure ». Celle que Jeanne entend résonne encore pour nous avec une modernité saisissante. Six siècles ont passé et l’Histoire nous interroge plus que jamais sur la part d’engagement que nous avons à lui donner. Comme la Jeanne de Péguy, nous savons que les décisions vraiment libres se prennent dans le secret de soi-même et dans la solitude.

Danièle Léon, Directrice artistique de l’Atelier du Verbe

Plus de lecture...