Homélie du 3ème dimanche de Carême à Enghien

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Nos frères Juifs parlent, non pas des « 10 commandements », mais des « 10 paroles », et ils ont raison ! C’est aussi ce que nous disons lorsque nous utilisons le mot « Décalogue », qui signifie en grec : « 10 paroles ».

  1. Quelle est la différence entre des « commandements » et des « paroles » ?

Des commandements, ce sont des réalités abstraites, impersonnelles, froides. Ce sont des ordres, des obligations morales, dont on ne connaît pas vraiment l’origine ni la raison. Cela peut aussi faire peur : et si on n’était pas « en règle » par rapport à ces commandements ?…

Au contraire, des paroles sont adressées par quelqu’un : c’est une personne qui parle à une autre personne, un « je » qui s’entretient avec un « tu ». Il y a une relation qui s’établit, une relation d’éducation. Il y a une histoire entre le « je » divin et le « tu » humain : si Dieu indique un chemin, c’est parce qu’Il a déjà montré combien Il était bon, agissant.

Dans les « 10 paroles », c’est bien un Dieu Sauveur qui s’adresse à l’homme, avant toute obligation religieuse ou éthique de la part de l’homme : « Je suis le Seigneur ton Dieu [= « tu me connais déjà ! »] qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. [= « souviens-toi de ce que j’ai déjà fait pour toi, fais mémoire de cette libération !] » Dans cet échange de paroles, il y a la possibilité d’une relation, d’une progression, de recommencements malgré les échecs.

Question : quand nous pensons aux « 10 commandements », pensons-nous davantage en termes de « commandements » ou de « paroles » ? Avons-nous une relation à Dieu comme avec des tables de pierre sur lesquelles seraient gravés des ordres à respecter coûte que coûte ? Ou bien pensons-nous à un Dieu vivant, paternel, qui cherche à nous faire grandir, à établir une relation vivifiante avec nous et entre nous ?

(Peut-être nous faut-il quitter pour cela l’image inconsciente du « Dieu-gendarme » qui surveille toutes nos infractions, ou du « Dieu-juge » qui punit sévèrement nos fautes… ?)

  1. Quelle est la finalité de ces « 10 paroles » ?

Les « 10 commandements » sont des paroles de vie adressées par Dieu aux hommes. Elles sont données au peuple d’Israël dans le contexte de l’Exode, juste après la libération d’Egypte. Il s’agit de passer de la libération [= de l’Egypte] à la vraie liberté [de la Terre promise]. Or, la liberté humaine doit être éduquée, elle doit encore être libérée : libérée de tous ses fantasmes (= l’idolâtrie, que le Seigneur demande de rejeter dans les premiers commandements) et de ses désirs de toute-puissance, qui nient l’autre et engendrent la mort (= le meurtre, l’adultère, le vol, le mensonge et la convoitise, objets des 5 derniers commandements).

Ces « paroles de vie » sont le fruit de l’amour passionné de Dieu pour l’homme : c’est un amour jaloux, puissant, qui aime l’exclusivité. Cet amour divin est source de vie pour qui lui répond (= les « bénédictions » promises à ceux qui respectent les commandements). L’homme a la possibilité de répondre, par toute sa vie, à cet amour vivifiant de Dieu, en observant les commandements, c’est-à-dire en faisant de sa vie une réponse d’amour au don d’amour du Dieu sauveur.

Deux remarques encore :

  • La forme négative de 8 commandements sur 10 (= à l’exception du commandement sur le sabbat et sur les parents), à travers les interdits (« tu ne… »), ne brime pas notre liberté mais la libère. Le « ne pas » des commandements ne dit pas ce que l’on doit faire, mais plutôt ce que l’on doit éviter si l’on veut vivre (Dieu a horreur du péché, qui détruit l’homme). Tout le reste dépend de la créativité, de l’inventivité, de la liberté de l’homme, dont le chemin de vie peut s’ouvrir lorsqu’il consent à garder ces commandements.
  • Les 10 paroles de la Loi (les « 10 commandements ») sont comme un écho aux 10 paroles de la Création (cf. Livre de la Genèse), et permettent à Dieu de rétablir sa Création dans son intégrité, pour la mener vers son terme : la communion des hommes avec Dieu et entre eux. Car la finalité de la Création de l’homme, c’est la mise en relation. C’est ce trésor que protègent les « 10 commandements », qui sont des paroles qui « recréent » l’homme.

 

Suggestions pour cette semaine :

  • relire ce passage d’Ex 20 (ou Dt 5) ;
  • regarder comment, par le don de sa Parole, Dieu libère notre liberté et nous ouvre un chemin de vie : quel commandement suis-je appelé à vivre davantage en cette fin de carême ?

Père Edouard George

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