Juste avant mon ordination diaconale, j’ai passé une année entière en paroisse, à Vauréal. Et, tous les vendredis après-midi, j’allais rendre visite aux malades de l’hôpital de Pontoise, avec l’équipe de l’aumônerie catholique. Comme beaucoup de personnes qui côtoient des malades, en particulier des personnes gravement touchées, je sortais souvent très désemparé de ces visites… Je constatais surtout mon impuissance à les aider, d’autant plus que je ne leur prodiguais aucun soin. Un jour, ce qui m’a beaucoup aidé, c’est, au cours d’une relecture de nos visites en équipe d’aumônerie, la responsable qui me dit : « Il faut que tu t’interroges sur le projet que tu as lorsque tu viens rendre visite aux malades… » Cela m’a fait beaucoup réfléchir. Ma frustration venait souvent de l’idée que ma visite allait apporter un mieux au malade. Apprendre à se détacher de l’effet que l’on veut avoir sur les malades aide, paradoxalement, à les aider.
En ce « Dimanche de la santé » (fête de ND de Lourdes), dans l’Evangile Jésus guérit un homme lépreux. Sa manière de faire interroge notre propre attitude vis-à-vis des personnes malades. Cet Evangile nous renvoie à notre expérience auprès des malades, des personnes handicapées ou isolées, des personnes très âgées ou en grande détresse. La guérison du lépreux : c’est d’abord par son attitude que Jésus la lui procure. Jésus l’accueille, quand il vient vers lui, suppliant de le guérir. Il le reconnaît comme un être humain à part entière : il est touché par lui (= c’est la compassion de Jésus) et il le touche (= c’est l’entrée en relation, par le don de sa présence et de sa proximité). Jésus accueille et se laisse accueillir. Il entre en relation avec le lépreux. Il est fortement ému par lui ; mais il ne le fuit pas. Il n’a pas peur de lui.
Il me semble que Jésus nous indique par là le désir profond de tout malade d’être reconnu, accueilli, en qualité de personne humaine. Une fois que tout a été sérieusement mis en œuvre en termes de soin et de soulagement de la douleur, chaque malade, qu’il en ait conscience ou non, qu’il puisse l’exprimer ou non, fait appel à notre humanité commune et à la relation que nous pouvons instaurer, par l’accueil mutuel de nos personnes. Il s’agit d’entrer en relation, d’une manière ou d’une autre, même si le malade est défiguré, isolé, anéanti par la maladie ou la souffrance. La simple présence attentive, gratuite, est déjà relation.
On connaît assez bien les combats des personnes très malades ou en grandes difficultés, et l’état d’esprit qui peut les habiter : révolte, sidération, déni, refus, marchandage, dépression, désespoir… Il faut également parler des combats de ceux qui abordent ces personnes malades, notamment celles qui sont affectées par des maladies longues et douloureuses. Il y a là aussi des combats, dans lesquels notre humanité est rudement mise à l’épreuve : combat de la présence, quand nous sommes tentés de fuir ; combat de la persévérance, quand notre présence semble maladroite et inefficace ; combat de l’espérance, quand nous constatons notre impuissance à soulager ; combat de l’acceptation, quand nous sommes irrémédiablement renvoyés à notre propre finitude et à notre souffrance.
Ici, Jésus nous apprend la compassion et la qualité de présence. Il ne se dérobe pas à son semblable. Il ne fuit pas. Il est touché, mais sans être anéanti. Il accueille l’autre défiguré, et il offre sa présence, son humanité, pour dire à celui qui souffre : « Quelle que soit ta situation actuelle, tu es un frère pour moi, tu peux compter sur ma présence. Je suis là. Moi aussi, je suis fragile. » Pour un chrétien, offrir cette présence simple, parfois hésitante ou sans mots, c’est offrir la présence du Christ qui habite en nous et qui se rend présent à l’autre à travers nous.
En ce Dimanche de la santé, deux actions concrètes nous sont suggérées :
- Rejoindre l’équipe des Hospitaliers qui accompagneront des malades lors du pèlerinage diocésain de Lourdes, du 16 au 21 avril prochain ;
- Nous demander si, dans les jours qui viennent, nous ne pourrions pas envoyer un message, appeler ou faire une visite à une personne malade, âgée ou isolée, que nous connaissons. Après avoir relu le texte de l’Evangile de ce jour et intériorisé l’attitude de Jésus avec le lépreux.
Père Edouard George