Quel menu ! Un véritable régal !
Vous avez entendu la première lecture. Le prophète Isaïe nous décrit un festin de viandes grasses et de vins capiteux (qui montent à la tête, enivrants, excitants). Un festin au cours duquel le Seigneur avec beaucoup de délicatesse sèche les larmes, rassure et console. En un tableau succulent, le prophète Isaïe, des siècles avant Jésus, nous présente le rêve de Dieu : rassembler toutes les nations sur la montagne sainte dans la paix et la joie.
Dans l’évangile, Jésus nous présente toujours le désir de Dieu : rassembler tous les hommes, les mauvais comme les bons, à un repas de noces, à un repas de mariage entre son Fils Jésus Christ et chacun de nous. Et pour ce repas, Dieu a mis les petits plats dans les grands : tout est prêt pour faire une belle fête.
D’Isaïe à Jésus, Dieu n’a pas changé. Son projet est toujours valable. Il veut nous réconcilier avec lui, et avec les autres, il veut faire disparaître de nos vies toutes formes d’amertume et de tristesse. Il veut faire alliance avec nous, une alliance aussi forte et même plus forte qu’un mariage, une alliance pour toujours. Il veut notre bonheur. C’est tout cela qu’il veut dire à travers ces repas succulents.
Un beau film montre cela, je ne sais pas si vous avez vu un jour ce film, « le festin de Babette ». Si vous ne l’avez pas vu, je vous le conseille. Le pape François lui-même l‘admire et le cite dans son exhortation apostolique sur la joie de l’amour (au n° 129) comme un exemple magnifique d’un amour qui crée la joie chez les autres. Babette, une jeune française, arrive dans un village danois pour être la servante de deux vieilles filles. La vie y est dure et austère. Un jour, après avoir reçu des fonds inespérés, elle décide de faire un grand festin pour amener un peu de joie dans ce village bien austère : soupe de tortue géante, blinis au caviar et à la crème, cailles en sarcophage au foie gras et sauce aux truffes… Le menu de Babette est un véritable festin. Au fil de la soirée et des plats, les visages sévères se dérident, les masques tombent et le cœur de chacun s’ouvre. Ce repas va réconcilier les membres de ce village, déchirés par les conflits et les rivalités. Il va aussi réconcilier des convives avec leur vie et guérir leur regret d’être passés à côté d’un grand amour. L’un d’eux aura le mot de la fin : « j’ai compris ce soir que tout était possible ». Par cette joie que donne un bon repas, mais plus par l’amour avec lequel ce repas a été préparé, elle transforme le cœur de ses invités. C’est exactement cela que le Seigneur veut réaliser en nous à travers cette alliance avec lui, à travers chacune de nos eucharisties, qui est un repas au cours duquel le Seigneur nous donne sa Vie.
Mais alors pourquoi le roi est-il si dur ? C’est vrai, il demande à ses serviteurs d’inviter toutes les personnes qu’ils trouvent sur les routes et les carrefours, et ces derniers viennent. Sauf que l’un d’entre eux n’a pas de vêtement de noce, alors le roi le jette dehors. Pourtant, le pauvre n’y peut rien, il était sur les routes, il ne s’était pas préparé pour un repas de noces, il est venu comme il était à l’invitation du roi. Mais nous devons comprendre que ce n’est pas sur le vêtement extérieur que cet homme est jugé mais sur son intérieur. Tout se joue à l’intérieur.
Écoutez cette histoire. C’est la kermesse au village et, comme chaque année, un vendeur est venu avec ses ballons. Au bout du manche à balai sont attachées les ficelles auxquelles sont attachés les ballons prêts à s’envoler. Les enfants peuvent, pour un sou, en couper une. Le ballon s’envole alors très haut dans le ciel. Et l’on vit le ballon rouge prendre son envol, puis le vert, puis le jaune et aussi le bleu. Dans la foule des curieux, un petit enfant africain observait. Il remarqua que personne ne choisissait le ballon noir. Il finit par s’approcher et, timidement, demanda : « Tu crois que le ballon noir peut s’envoler comme les autres ? – Mais bien sûr, petit ! Tu sais, la force qui fait monter les ballons n’est pas dans la couleur, mais à l’intérieur. » L’homme lui présenta alors les ciseaux. « Vas-y, coupe ! » Ce qu’il fit, et le ballon noir monta très haut dans le ciel.
QU’est-ce qui nous permet de nous envoler au ciel ? QU’est-ce qui nous permet d’être admis au repas de fête du Seigneur ? Qu’est-ce qui nous permet d’entrer dans la communion du Seigneur et de partager sa joie dès à présent ? Ce n’est pas la couleur de notre vêtement, ni la beauté de notre vêtement, ni ce que nous avons fait ou pas fait. Non, c’est ce que nous avons à l’intérieur. C’est ce que nous portons dans notre cœur. Tout se passe à l’intérieur. Est-ce qu’il y a dans notre cœur ce désir de Dieu ? ce désir d’être avec Dieu ? Est-ce qu’il y a dans notre cœur cet amour du Seigneur ? Est-ce qu’il y a dans notre cœur ce sentiment que nous sommes bien faibles, pêcheurs, ce désir aussi de changer ? Est-ce qu’il y a dans notre cœur ce goût d’écouter les appels du Seigneur ? Est-ce qu’il y a dans notre cœur ce désir même que Dieu porte pour nous : construire ce règne de paix et de communion où la joie explose ?
Cet homme de la parabole n’est jeté dehors, non parce qu’il n’a pas le vêtement de noce, mais finalement parce qu’il n’a rien en lui, il ne dit rien. Le roi pourtant, lui pose une question avec beaucoup de délicatesse : « mon ami », … Mais lui ne répond rien. Il ne dit rien. Il ne demande même pas pardon. Il n’a rien en lui. Et pourtant s’il avait dit juste comme le publicain : « Seigneur prend pitié », il aurait été sauvé. S’il était entré dans un dialogue avec le Seigneur, s’il avait révélé au Seigneur son désir de demeurer avec lui malgré son manque de vêtement de noce, malgré sa petitesse, malgré ses péchés, il aurait été accueilli comme le bon larron, comme Zachée, comme Marie-Madeleine.
Le Seigneur veut tous nous sauver, il veut tous nous donner sa joie, mais il attend de nous une réponse, il attend de nous que nous fassions un pas vers lui. Voilà pourquoi, à la messe, au repas du Seigneur, avant de communier, nous redisons ensemble : « Seigneur, je ne suis pas digne, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».