Pourquoi tant de haine ? C’est la question qui monte en moi en lisant cette parabole avec le meurtre des envoyés puis du propre fils du propriétaire de la vigne. C’est la question qui monte en moi en regardant ce monde et nos relations humaines aujourd’hui, souvent marqués par les tensions et la violence. Et pourtant, Dieu ne nous laisse pas sans moyen comme le montre le début de la parabole aujourd’hui.
Ecoutez ! « Il y avait un homme, maître du domaine, qui planta une vigne. Il l’entoura d’une barrière, y creusa un pressoir, et bâtit une tour… » (Mt 21, 34).
Franchement, qu’est-ce que cela peut nous faire que le maître entoure sa vigne d’une barrière, y creuse un pressoir, et y bâtisse une tour ? Pourquoi est-ce que Jésus donne tous ces détails ? Qu’est-ce que ça veut dire pour notre vie ?
Cela montre la générosité de Dieu qui veut nous aider à bien vivre et qui nous donne ces 3 choses pour mieux gérer notre vie.
La barrière est utile pour protéger la vigne de l’extérieur, contre les animaux qui pourraient venir la piétiner ou la brouter. Cette barrière protectrice représente la présence de Dieu qui est pour nous comme un « rempart et un bouclier », selon la belle formule de nombreux psaumes.
La tour sert également à se protéger contre les agressions extérieures. Elle permet de voir les choses de plus haut, et de se rendre compte à l’avance de ce qui peut survenir. La tour représente la foi qui permet au croyant de s’élever par la prière, la connaissance et la réflexion.
Le pressoir permet de récolter le bon jus de raisin et de rejeter ce qui est sec. C’est une figure de la bienveillance. Quand on aime quelqu’un, quand on aime la vie, c’est ce que l’on fait : on garde le meilleur en passant sur ce qui n’est pas bon. Ce travail du pressoir est à faire chaque jour, pour distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais, avec réalisme et bienveillance. C’est utile quand on se demande ce que l’on doit faire, c’est utile pour mieux aimer les autres. C’est utile pour combattre l’injustice. C’est utile pour se réjouir de la vie, malgré les difficultés. C’est utile surtout pour reconnaître nos propres fautes, nos propres défauts, mais aussi nos qualités.
La barrière, la tour et le pressoir sont trois choses essentielles dans la vie, trois dons de Dieu. Mais comment les utiliser ?
Pour ce qui est de la barrière, elle fonctionne toute seule. Nous n’avons rien à faire. C’est une bonne image de la grâce de Dieu. Le Seigneur garde dans son amour chacun de ses enfants. Qui que nous soyons, bons ou moins bons, Dieu nous garde. C’est une formidable source d’espérance.
Si la barrière fonctionne toute seule, par contre, une tour n’est utile que si l’on monte dedans. La tour, c’est comme la foi, elle permet de prendre de la hauteur pour mieux gérer sa vie et voir à temps si un ennemi ou un orage s’approche et risque de tout détruire. Par la foi, nous pouvons prendre ainsi de la hauteur dans notre existence, nous pouvons nous élever au-dessus du simple point de vue matériel, nous pouvons voir plus loin, avec plus d’intelligence, sans s’arrêter aux petits détails.
Cette tour, c’est Dieu nous disent bien des psaumes. Dieu donne à chacun cette possibilité de voir d’un peu plus haut la réalité de notre être, de notre vie et du monde qui nous entoure. Dieu est comme cette tour, il est là près de nous, mais il laisse chacun libre de monter ou de ne pas monter dans sa présence. On peut choisir d’avoir la foi. On peut choisir de s’élever par la foi, c’est tout simple et concret comme d’entrer dans une tour près de nous, et de monter l’escalier, pas à pas.
Il est utile de monter régulièrement dans cette tour, et il est bon de savoir en redescendre, parce que le vigneron qui resterait là-haut tout le temps aurait bien gardé sa vigne mais ne pourrait rien récolter. Il est bon de prendre du temps pour penser à sa vie avec Dieu, et il est bon de vivre sa vie.
Le pressoir aussi nous est donné par Dieu mais n’apporte rien si l’on ne s’en sert pas. Il permet d’éliminer ce qui est sec et de garder ce qui est bon. Si l’on ne s’en sert pas, nous gardons beaucoup de mal dans notre cœur, dans nos actes, dans notre vision du monde. Ce mal risque de tout gâcher, de tout faire pourrir. Imaginez quelqu’un d’un peu bête à qui l’on donne une grappe de raisin bien mûr à goûter, et qui met directement dans sa bouche les grains avec les morceaux de bois qui vont avec. Il va dire qu’on s’est moqué de lui et que c’est immangeable. Il fallait trier avant. Dieu nous aide à faire le tri, et à ne garder que ce qui est bon (il y a des gens qui trient mais qui ne gardent que le mauvais, ce qui est assez triste aussi).
Ce pressoir, c’est la bienveillance, c’est l’amour qui nous permet de pardonner, qui nous permet de voir la moindre goutte de bien qui est dans une personne, de voir aussi tout ce qu’il y a de beau dans ce monde et dans notre vie, même s’il y a aussi des choses sèches et dures.
Dieu nous donne donc la vigne de notre existence, et il nous donne ces trois forces, celle de sa grâce (la barrière), celle de la foi qui éclaire notre regard (la tour), et celle de l’amour qui sait garder ce qui est beau et bon (le pressoir). À nous d’en vivre.
Et les dons de Dieu ne s’arrêtent pas là. Il assure, si je puis dire, le service après-vente. Nous sommes parfois des êtres stupides et arrogants comme les vignerons homicides de la parabole. Que fait alors Dieu ? Il redouble de bonne volonté pour nous. Et il nous envoie les prophètes, ces hommes et ces femmes de bonne volonté, ces vrais amis qui ont le courage de nous rappeler la volonté de Dieu quand nous commettons l’injustice. Et il nous envoie son fils, le Christ, qui nous dit qui est Dieu, que la vraie vie consiste à aimer comme Dieu nous aime, et qui éclaire notre propre conscience.
Si vraiment nous savons vivre pleinement de tous ces dons, si nous savons vivre dans cette grâce d’être aimé de Dieu, si nous savons prendre de la hauteur par rapport aux vicissitudes de la vie aidé par notre foi et notre prière, si nous savons découvrir ce qu’il y a de beau dans la vie, la nôtre comme celle de ceux qui nous entourent et parfois nous agacent aussi, si nous savons écouter la voix de notre conscience et celle des sages, alors nous saurons régler bien des difficultés de la vie, alors nous saurons désamorcer bien des conflits, et alors nous éviterons bien des ostracismes, des mises à l’écart ou même comme dans notre parabole des assassinats. Vivons pleinement de toutes ces forces, et produisons beaucoup de bienfaits autour de nous.
Amen.