Homélie du 26ème dimanche ordinaire à Enghien samedi 30/10 et dimanche 11h à Saint Gratien

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Ecoutez cette parabole : il y avait, au centre du village, un énorme bloc de pierre informe qui défigurait toute la place. On ne savait même plus d’où il venait. Un jour, les habitants du village lassé de cet affreux bloc de pierre décidèrent de le faire retirer. Mais un artiste, venant d’un pays étranger, passa par là et apprit la nouvelle. Il vint se proposer : « Laissez-moi faire ! Je peux faire de ce rocher une œuvre d’art dont vous serez fiers ». Le marché fut conclu et, pendant des semaines, derrière la palissade qui entourait le bloc de pierre, on l’entendit travailler. Enfin, au bout de plusieurs semaines, on put dévoiler la sculpture et l’on découvrit un magnifique cheval. Tonnerre d’applaudissements. Un enfant interrogea le sculpteur : « Comment savais-tu qu’il y avait un cheval dans ce bloc de pierre ? » C’est l’œil de l’artiste. Quand nous nous voyons un affreux bloc de pierre sans forme, l’artiste lui voit déjà l’œuvre d’art qu’il peut réaliser avec. Il la devine.

Nous pouvons facilement appliquer cette parabole aux personnes. Evitons de porter un regard qui met définitivement les personnes qui nous entourent dans des cases toutes faites. A nos yeux, les personnes sont soit sympathiques soit antipathiques, soit ouvertes soit opposées à tout, soit décidées soit amorphes. Elles peuvent se révéler tout autre par la suite. Restons humbles comme nous y invite saint Paul dans la deuxième lecture : « ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes ». Ayons comme Dieu, ce regard de l’artiste, ce regard qui espère toujours trouver en chacun une merveille. « Ayez en vous les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments qui sont dans le Christ », lui qui s’est fait serviteur, lui qui s’est mis aux pieds de Pierre et des autres apôtres pour leur laver les pieds, pour leur permettre de retrouver leur beauté première.

Evitons de mettre des étiquettes sur les personnes. Pour Jésus, les étiquettes sont souvent trompeuses. La parabole qu’il nous raconte dans l’évangile illustre parfaitement cela : on peut dire oui au père et ne pas aller à la vigne comme il nous le demande, dire non au père et y aller. Il ne faut jamais faire un arrêt sur image. Ce qui compte, aux yeux de Dieu, c’est l’histoire de notre liberté qui peut toujours se convertir, se reprendre et choisir le bon chemin. Nous malheureusement, nous avons l’habitude de juger les personnes sur un acte isolé, sur un mot hors contexte, sur un titre, sur une réputation. Gardons en mémoire cette phrase de l’Evangile : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ». Nous ne connaissons pas l’histoire de chacun, ni d’où il vient, ni où il va. Dieu seul voit les cœurs, lui seul sait quelle est la vérité de notre oui ou de notre non. Et le regard qu’il porte sur chacun de nous est d’espérance : il peut toujours se convertir.

L’évangile d’aujourd’hui nous invite à un pas de plus, celui de la conversion. Vous avez déjà fait du ski. Vous savez ce que signifie faire une conversion en ski : cela signifie mettre ses skis dans la direction exactement opposée. Se convertir, c’est se tourner vers le Seigneur, se laisser regarder par Lui, se laisser aimer par Lui. Vous allez me dire : l’Eglise n’arrête pas de parler de péchés, de conversion, c’est triste, c’est culpabilisant. Non ! Vous avez déjà marché avec le soleil dans le dos, vous avez alors devant vous votre ombre qui fait que vous voyez tout dans l’ombre. Et bien si vous vous retournez vers le soleil, vous êtes soudain éblouis. C’est cela la conversion : se laisser éblouir par la Lumière douce du Christ qui veut nous réchauffer, nous éclairer, et nous faire rayonner. Se convertir ensuite, cela consiste à passer des mots à l’action, à faire ce que l’on dit, à faire ce que l’on prie. Nous récitons souvent le Notre Père, chaque jour sans doute. Mais est-ce que nous sommes décidés à vivre pleinement le pardon comme nous le disons dans cette prière ? Est-ce que nous sommes décidés à faire sa volonté ? Chacun, nous sommes invités à passer des paroles à l’action et à faire concrètement sa volonté. La foi n’est pas d’abord une question de rites et de dogmes, mais de conversion : nous décider enfin à faire ce que Dieu attend de nous, à réaliser son rêve de fraternité pour tous les hommes. Revenons à la première lecture, celle du Prophète Ezéchiel. La situation du peuple de l’Alliance est déplorable. C’est le temps de l’exil à Babylone. Tout s’est effondré. A qui la Faute ? A nos pères, disent certains. « Les pères ont mangent des raisins verts, et les dents des fils ont été agacées » (Ez 18,1). A Dieu, disent d’autres. Et Ezéchiel de répondre : La balle est dans votre camp. A vous de vous convertir pour que le monde change.

On parle aujourd’hui de déchristianisation, de perte de repères, d’indifférence, d’individualisme, de matérialisme. Et les analyses ne manquent pas pour nous expliquer tout cela. Il y a sans doute une part de vérité. Mais Jésus, à travers la liturgie d’aujourd’hui, nous invite à prendre nos responsabilités, à nous convertir. Il est urgent, si nous voulons que la foi chrétienne continue dans nos pays, que nous retrouvions la radicalité de l’Evangile, celle qui anime les « convertis », comme les prostituées et les publicains qui se sont tournés radicalement vers le Christ. Ce qui est fade, en effet, ne se transmet pas.

L’urgence aujourd’hui, c’est la conversion. Il nous faut grandir, comme nous le fait comprendre cette histoire où les deux fils sont appelés avec beaucoup de tendresse : « mon enfant ». Oui nous sommes chacun des enfants, en quête de croissance, de progression, de sainteté. Que cette Eucharistie soit l’occasion de remettre le Christ à la première place dans nos vies, dans nos paroles, dans nos regards et dans nos actes.

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