Homélie du 2ème dimanche de Pâques à 11h à Saint Gratien

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J’aimerais commencer par vous poser une question : pouvez-vous me dire quel est le nom de l’apôtre qui manque de foi ?

Thomas ! Oui c’est vrai, il refuse de croire le témoignage des disciples. C’est ce que raconte notre évangile, les disciples ont peur de subir le même sort que Jésus, ils se sont enfermés à double tour dans une maison. Là, le Christ ressuscité vient à eux. Ils partagent ensuite cette Bonne Nouvelle à Thomas qui refuse de les croire. Mais est-ce que les disciples sont vraiment croyants ?

Non pas vraiment, eux aussi, manquent de foi. En effet, avant de voir le Christ ressuscité, une femme, Marie-Madeleine (Jn 20, 11-18), avait rencontré le Christ ressuscité près du tombeau vide et leur avait raconté ce que le Christ lui avait dit, mais ils ne l’ont pas cru. Ils ne se sont pas contentés du récit de Marie-Madeleine, ils ont eu besoin de preuves concrètes. Et c’est seulement après avoir vu le Christ ressuscité, après que Jésus leur ait montré ses plaies qu’ils disent : « nous avons vu le Seigneur ». De plus, l’évangile nous montre que les disciples demeurent des croyants bien fragiles. En effet, ces disciples ont eu le récit de Marie-Madeleine, ils ont vu le ressuscité, et que font-ils ? ils restent toujours enfermés dans le même lieu. Huit jours après, ils sont encore enfouis dans leur cachette. Certes, les disciples disent « le Seigneur », mais ils manquent de confiance, pour affronter leur vie. Rien ne bouge, ils ont toujours peur. Du coup l’histoire est bloquée, coincée à ce jour de peur qui devient un jour sans fin. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Il ne suffit pas d’écouter les paroles du Seigneur ressuscité, il faut encore que ces paroles entrent en nous et nous permettent de renaître à une vie nouvelle, comme nous invite Pierre dans sa première lettre : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ; dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus-Christ » (1 P 1, 3).

C’est exactement ce que le Seigneur veut réaliser dans le cœur des disciples ce « premier jour de la semaine », qui veut être le premier jour d’une nouvelle vie. C’est ce que le Seigneur veut réaliser dans le cœur des nouveaux baptisés, Alizée, Élisa, Mélissandre et Anthony, comme dans nos cœurs d’anciens baptisés. Il veut faire naître et renaître en nous la Paix. « La Paix soit avec vous ! » Jésus reprend trois fois ces mêmes paroles. C’est en quelques mots tout le message de Pâques. Ces paroles reviennent comme un refrain dans les rencontres avec le Ressuscité. Le Christ ressuscité nous fait le don de sa Paix et de son esprit de pardon. « Recevez l’Esprit Saint… »

Mais, comment être dans la paix ? Comment être dans la paix quand nous traversons des épreuves qui semblent sans fin ? Comment être dans la paix en ces temps d’élection où nous semblons parler de tout sauf de l’avenir de notre pays ? Comment être dans la paix quand notre monde est secoué par une grave et longue crise sécuritaire ? Peut-être que nous sommes comme les femmes de l’évangile, effrayées et qui se demandent comment rouler la pierre ? Peut-être que nous sommes effrayés justement par notre monde en nous demandant qui va changer les situations écrasantes que nous connaissons ? Peut-être que nous sommes comme les apôtres enfermés dans nos maisons par peur de la violence et de la haine de la foule ? Peut-être que nous sommes apeurés justement devant la situation de violence qui prévaut dans le monde ?

Alors, nous avons besoin d’entendre ce message de Pâques : « La paix soit avec vous ». Le Seigneur vient chasser de nos vies toutes peurs, toutes craintes, toutes angoisses, et il nous donne la paix. Par cette paix, il nous rappelle qu’il ne nous abandonne pas mais au contraire qu’il va lutter avec nous, à nos côtés et parfois même à notre place. Souvenez-vous de la lecture de l’Exode que nous avons lu le samedi soir de Pâques. Israël connaît la plus grave crise de son histoire. Ils sont seuls dans le désert, ils ne peuvent plus avancer, et Pharaon et ses armées derrière eux s’approchent avec la volonté de les massacrer. Moïse dit alors au peuple : « N’ayez pas peur ! Tenez bon ! Le Seigneur combattra pour vous et vous vous resterez tranquilles ».  Le Seigneur agit toujours à nos côtés comme il a agi dans l’histoire du peuple de Dieu. Notre mission c’est de rester tranquille et de ne pas avoir peur.

La paix, de quoi s’agit-il alors ? C’est d’abord la confiance dans l’action du Seigneur à nos côtés. C’est la certitude que Dieu est capable de vaincre toute nuit, et toute situation de crise. Mais si la paix est un don du Seigneur ressuscité, c’est aussi une question d’engagement.

J’aimerais à ce propos vous raconter ce conte indien. Un jour, un vieux raconte à son fils l’histoire suivante : « Un combat a lieu à l’intérieur de moi, au plus profond de mon cœur. Un combat terrible entre deux lions. L’un est mauvais : il est colère, violence, envie, chagrin, arrogance, apitoiement sur soi-même, mensonges, vanité et égoïsme. L’autre est bon : il est joie, paix, amour, espoir, humilité, bienveillance, générosité, vérité, compassion et foi. Le même combat a lieu en toi-même et à l’intérieur de tout le monde. Son enfant réfléchit pendant une minute puis demanda à son grand-père : « Quel est le lion qui va gagner le combat ? » Le vieux répondit simplement : « Celui que tu nourris. »

Je peux cultiver la paix, ou je peux cultiver la colère en moi. Si je développe la colère en moi, elle risque d’étouffer la paix dans mon cœur. Mais si je développe la paix en moi, alors elle fera disparaître de ma vie toute forme de colère ou de violence. Comment cultiver la paix en moi ? Peut-être en regardant les autres et le monde qui m’entourent autrement. Voilà une histoire du Mali, que vous pouvez trouver dans un merveilleux livre d’Amadou Hampaté Ba, Tierno Bokar le sage de Bandiagara :

« Un jour, la brave Soutoura, femme du quartier, s’en vint trouver Tierno. Elle lui dit :

— Tierno, je suis très coléreuse. Le moindre geste m’affecte durement. Je voudrais recevoir une bénédiction de toi, ou une prière qui me rendrait douce, affable, patiente.

Elle n’avait pas fini de parler que son fils, un bambin de trois ans qui l’attendait dans la cour, entra, s’arma d’une planchette et lui en appliqua un coup violent entre les deux épaules. Elle regarda le bébé, sourit et l’attirant contre elle, dit en le tapotant affectueusement :

— Oh! Le vilain garçon qui maltraite sa mère! …

— Pourquoi ne t’emportes-tu pas contre ton fils, toi qui te dis si coléreuse ? lui demanda Tierno.

— Mais, Tierno, répondit-elle, mon fils n’est qu’un enfant ; il ne sait pas ce qu’il fait ; on ne se fâche pas avec un enfant de cet âge.

— Ma bonne Soutoura, lui dit Tierno, va, retourne chez toi. Et lorsque quelqu’un t’irritera, pense à cette planchette et dis-toi :

« Malgré son âge, cette personne agit comme mon enfant de trois ans. » Sois indulgente ; tu le peux, puisque tu viens de l’être avec ton fils qui t’a pourtant frappée durement. Va, et ainsi tu ne seras plus jamais en colère. Tu vivras heureuse, guérie de ton mal. L’amour que tu as pour ton enfant, essaye de le répandre sur les créatures de Dieu. Car Dieu voit ses créatures comme un père considère ses enfants.

La parole de Tierno fut sur elle si puissante que, de ce jour, Soutoura considéra tous ceux qui l’offensaient comme des enfants et ne leur opposa plus que douceur et patience. Elle se corrigea si parfaitement que, dans les derniers temps de sa vie, on disait : « Patiente comme Soutoura. » Rien ne pouvait plus la fâcher. »

« Donne-nous toujours cette paix ! »

Père Alexandre de Bucy

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