« Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ! »
C’est la première des béatitudes, la première parole de l’enseignement de Jésus que l’évangéliste Matthieu nous présente.
Plan :
- D’abord comprendre le sens de cette parole mystérieuse de Jésus ( 1ère partie)
- Ensuite découvrir comment elle peut s’appliquer à la situation de l’Eglise aujourd’hui ( 2ème partie)
- Le sens de cette parole de Jésus
« Heureux », au début de la phrase = une déclaration de bonheur. Le bonheur est la chose la plus importante que l’on cherche (même sans s’en apercevoir). Jésus annonce ce bonheur !
Mais c’est un bonheur paradoxal, car il est question juste après des « pauvres de cœur » … Qui sont ces « pauvres de cœur » ? Cette expression désigne, dans la Bible, en hébreu, ceux que les épreuves de la vie, matérielles ou spirituelles, ont conduits à faire confiance à Dieu. C’est assez paradoxal… Jésus ne dit pas que les épreuves diverses que nous vivons sont bonnes en soi ; il ne fait pas l’apologie des situations de détresse extérieures ou intérieures ; mais il révèle que Dieu, dans sa Miséricorde, se fait plus proche encore de ceux qui sont dans ces situations. C’est pourquoi Jésus déclare « heureux » ceux qui ont une « âme de pauvres », c’est-à-dire ceux qui acceptent et accueillent la pauvreté, la fragilité, les épreuves, les difficultés diverses (= tout ce que l’on rejette et refuse spontanément) et qui découvrent à travers elles la présence miséricordieuse de Dieu.
« Le Royaume de Dieu est à eux » = au présent, parce que Dieu est présent en ceux qui sont dans cette situation d’humilité et de foi. La miséricorde de Dieu se penche sur nos misères.
- Cette première parole de Jésus est donc à la fois une consolation pour ceux qui souffrent, une espérance dans la présence agissante de Dieu au milieu des épreuves, et une invitation à consentir aux pauvretés que l’on ne parvient pas à changer par nos propres efforts.
- La situation de l’Eglise aujourd’hui
Je voudrais appliquer ces paroles de Jésus, non pas à chacun de nous individuellement, mais, plus globalement, à notre Eglise (en France).
Car notre Eglise se trouve aujourd’hui dans une période de « pauvreté » et d’« épreuve » :
- baisse de la pratique religieuse (combien de parents et grands-parents confient qu’ils souffrent du fait que leurs enfants et petits-enfants ne sont pas chrétiens ?)
- crise des vocations (moins de prêtres…)
- on rêverait aussi d’une Eglise plus sûre d’elle, plus écoutée, plus brillante et influente dans la société, etc.
- Or, c’est précisément dans cette situation de « pauvreté » que nous devons entendre les paroles du Seigneur comme une consolation et une espérance: « le Royaume de Dieu est à vous ».
Le peuple d’Israël, dans l’Ancien Testament, est passé lui aussi par de nombreuses crises. A plusieurs moments de son histoire, tout semblait fichu : plus de territoire, plus de Temple, plus de roi, plus de prêtres, plus rien… Alors, à quoi se raccrocher ?… A Dieu ! A Dieu seul !!!
Selon le Livre de Sophonie, seul un « peuple pauvre et petit », un « reste » a conservé cette fidélité à Dieu au cours de l’histoire mouvementée du peuple d’Israël. Ce sont eux, les « pauvres de cœur », ceux qui ont « une âme de pauvre », ceux qui « prennent pour abri le nom du Seigneur ». Et c’est de ce « petit reste », humble, presque sans forces humaines, sans vigueur, qu’est né le Sauveur : Jésus !
- Les temps de crise sont ainsi, paradoxalement, des temps de purification et de fécondité plus forts, où l’on se pose les vraies questions: par quels moyens allons-nous tenir ? Et qu’attendons-nous vraiment de Dieu ?
On sent bien que toutes ces questions habitent fortement les cœurs des croyants, aujourd’hui, dans nos églises, et c’est une bonne chose ! On sent bien qu’à travers toutes les épreuves actuelles, une sorte de purification de notre foi commune est en train de s’opérer… Paradoxalement, beaucoup de catholiques savent davantage pourquoi ils viennent à la Messe, pourquoi ils sont croyants. Et notre désir de Dieu, notre désir de la sainteté, augmente.
Saint Paul l’écrit dans la 2ème lecture : ce n’est pas sur notre propre puissance que nous devons nous appuyer ! Ce n’est pas non plus en regrettant un passé glorieux (= nostalgie) ou en attendant un hypothétique avenir meilleur (= utopie) que nous avancerons : c’est uniquement en nous réfugiant dans le Nom du Seigneur Jésus, lui qui a donné sa vie pour nous et qui nous aime !
C’est en lui seul que nous pouvons trouver la joie véritable, dès maintenant, dans la confiance : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ! »
Père Edouard George